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plus étroits, s’il y a lieu ; mais, M. de Manteuffel signifie en même temps avec une nette franchise à cette puissance qu’elle n’a rien à voir dans les conférences qui vont s’ouvrir, et qu’elle n’est point appelée à y prendre part. En se renfermant ainsi dans la limite des droits acquis, le cabinet de Berlin peut tenir tête à l’Autriche avec plus d’avantage qu’il ne l’a fait quand il poursuivait la grande chimère de l’unité politique. Est-ce à dire que tout soit vain dans les prétentions de l’Autriche à la fondation d’un Zollverein nouveau embrassant l’Allemagne et l’empire ? Non, la perspective est trop séduisante pour l’industrie allemande. Déjà l’attitude des états secondaires de l’Allemagne méridionale, quoique marquée du désir de sauvegarder cette grande institution douanière, qui jusqu’à ce jour a si bien servi l’essor de leur industrie, dénote cependant des dispositions favorables aux principes de l’union nouvelle projetée par le cabinet de Vienne. Dans la lutte politique engagée corps à corps entre les deux grandes puissances en 1850, et dont la lutte commerciale d’aujourd’hui est le reflet, ces mêmes états du midi, la Saxe, la Bavière, le Würtemberg, offrirent spontanément leur concours à l’Autriche. C’est avec leur appui que cette puissance a triomphé à Olmütz. Si les états du midi ne l’ont point soutenue à Dresde avec le même zèle et le même dévouement, ils n’ont point renoncé à l’alliance contractée avec elle en présence du danger que leur faisait courir en commun l’ambition prussienne. Cette alliance, moins étroite depuis Dresde, mais non rompue, ne laisse donc pas d’agir dans la crise présente sur la politique commerciale de ces états. Leur préoccupation dans les négociations qui commencent est, ce semble, de tenter tout ce qui sera possible pour donner satisfaction aux vœux de l’Autriche sans dissoudre le Zollverein. Le temps ferait le reste. Ces tendances de l’Allemagne méridionale sont d’autant plus inquiétantes pour la Prusse dans un avenir plus ou moins éloigné, qu’elles paraissent conformes aux vues des écrivains les plus populaires de l’Allemagne. Un économiste qui a beaucoup contribué à la création et au développement de l’union prussienne, et dont les théories exercent encore aujourd’hui une grande influence au-delà du Rhin, List, a indiqué l’alliance du Zollverein et de l’Autriche comme l’un des buts principaux de la politique commerciale des pays germaniques.

Suivant le même écrivain, l’Allemagne ne formera une nationalité complète que le jour où elle aura absorbé le Danemark et la Hollande, parce que ce jour-là seulement elle aura des pêcheries, une marine et des colonies. La Hollande, qui tient à la confédération par le Luxembourg, a su écarter avec prudence les difficultés qu’aurait pu lui créer en 1848 ce mouvement d’expansion de l’Allemagne. Le Danemark a été moins heureux. Quoique vainqueur dans une guerre longue, coûteuse et non sans éclat, il paie aujourd’hui un lourd tribut à cette ambition commerciale et maritime de la confédération germanique. Les mesures que le roi de Danemark a cru devoir prendre pour se conformer aux arrangemens conclus à Vienne, relativement à la position du Slesvig et du Holstein, ont été accueillies par la population danoise et par le parlement de Copenhague comme une calamité nationale. Cependant le parti constitutionnel, qui a eu jusqu’à ce jour la majorité dans les chambres comme dans le pays, semble avoir compris qu’il n’y avait point à lutter contre la position faite au Danemark par l’Autriche et la Prusse. C’est du moins ce qu’indique le résultat des derniers débats du parlement danois sur la politique extérieure