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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/405

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de ces études sur la littérature italienne s’est tracé un plan fort simple. Après une rapide esquisse où il recherche les origines historiques de la formation de la langue italienne, et où il résume, plutôt qu’il ne les discute, les opinions contraires de Leonardo Bruni, Gravina, Quadrio, Mafféi, Muratori, etc., il arrive de prime saut aux premières manifestations du génie littéraire en Italie, sans s’occuper, bien entendu, des œuvres de pure érudition, de ces traités sans valeur, écrits en mauvais latin, par des jurisconsultes et des moines. C’est à la cour de Frédéric II, roi de Sicile, qu’il nous introduit d’abord, et que nous voyons ce prince écrire, cent ans avant Dante, des vers italiens ; l’italien était d’ailleurs pour lui, comme pour ses deux fils, Enzo et Manfred, comme pour son ministre Pier delle Vigne, une langue savante, un idiome d’exportation étrangère.

Pier delle Vigne, dont la tragique destinée a fourni à Dante un éloquent épisode, et dont une série de lettres, heureusement conservée, constitue ce qu’on sait de plus certain sur les origines de la littérature italienne, laisse dans l’ombre tous ses contemporains, ceux-là même qui, avant lui, avaient essayé de rimer dans le dialecte propre à la Sicile. On ne sait guère que le nom de Cullo d’Alcamo, Odo delle Colonne, Arrigo Testa ; on a même oublié, ou peu s’en faut, ce Guido delle Colonne, que Muratori proclame le premier poète de son siècle (il rimatore più tertio tra i suoi contemporaneï). Les fragmens qu’on a recueillis de la correspondance poétique engagée entre Nina la Sicilienne et un certain Dante de Majano, les premiers essais de la muse bolonaise, qui prend le pas par ordre de date immédiatement après celle de Sicile, enfin les poètes toscans du XIIIe siècle, Fra Guittone, Brunetto Latini, Guido Cavalcanti, — ceux-ci cependant déjà mieux connus et mieux appréciés, — ne tiennent que fort peu de place dans l’ouvrage de M. Simpson. Pour écrire la biographie de Dante, l’auteur anglais, comme ses prédécesseurs, en a été réduit à réunir çà et là quelques fragmens de Boccace, et à déduire comme il a pu, soit de la Vita Nuova, soit du Convito, soit de la Divine Comédie les renseignemens qu’on y trouve, fort insuffisans et fort dispersés. Le soin qu’il a mis à cette tâche ingrate, soin que nous ne devons pas méconnaître, n’est pas exempt d’une certaine recherche et d’une certaine froideur. Il y a moins de suite dans le fougueux essai de Thomas Carlyle (Lectures on heroes), les dates y sont moins bien discutées, la substance du récit moins condensée et moins précise ; mais la physionomie du poète se dégage mieux : il inspire plus d’intérêt, et la leçon, pour être moins pratique, n’est pas d’une moindre portée.

Tandis que quelques critiques ont affirmé hardiment l’originalité absolue du plan de la Divina Commedia, d’autres en ont cherché l’idée première, soit dans un roman d’origine provençale intitulé Il Meschino, soit dans le Tesoretto de Brunetto Latini, le précepteur de Dante, soit dans la Vision d’Albéric le moine, écrite en affreuse prose latine vers le commencement du XIIe siècle. M. Simpson a préféré s’attacher à faire ressortir en détail le caractère allégorique de cette vaste épopée et les allusions historiques dont elle est remplie ; mais l’analyse suivie, chant après chant, cercle après cercle, que M. Simpson a consacrée à ce travail est un commentaire trop parfaitement didactique pour offrir un intérêt très vif. Nous parlons ainsi, dominé peut-être par les exigences toujours croissantes de notre époque blasée, qui admet à grand’peine l’enseignement discret et sobre, l’utile sans l’agréable. Aussi nous hâterons-nous d’ajouter,