Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/413

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

médaille française connue. Les premières pièces qui aient paru en France avec le millésime datent de la deuxième année du règne de Louis XII (1498), et ont été frappées par Anne de Bretagne, que ce prince épousa la même année.

Au moyen des sceaux des souverains et grands feudataires, qui offrent tant d’analogie avec les médailles, on peut compléter les notions assez imparfaites que les monnaies nous donnent sur l’art de la gravure monétaire dans ces temps reculés qui précèdent la renaissance. Ces sceaux, même lorsqu’ils étaient en or, en argent ou en tout autre métal, étaient coulés dans des matrices exécutées avec un grand soin. On ignorait encore à cette époque l’art d’enfoncer les coins dans l’acier, et d’en reproduire un grand nombre d’épreuves à l’aide du balancier. Les monnaies et les petites pièces courantes étaient seules frappées au moyen du marteau ou du mouton ; mais on n’avait jamais songé à appliquer ce procédé aux empreintes des sceaux et des médaillons. Ces empreintes métalliques étaient retouchées par les graveurs, qui en faisaient disparaître les boursouflures et autres défauts les plus apparens, et qui ciselaient avec le burin les parties les plus délicates. On peut suivre, au moyen de la magnifique collection que M. Depaulis, l’habile graveur en médailles, a réunie dans les vitrines de l’École des Beaux-Arts, toutes les évolutions de l’art du graveur sur métaux à partir des princes mérovingiens. Ces sceaux représentent le royal personnage assis sur son trône, comme dans les monnaies dites pièces à la chaise, ou à cheval en costume de guerre, comme dans les monnaies dites cavelots, ou francs à cheval. Quelques-uns sortit de grande dimension, et ne manquent ni de caractère ni d’une certaine puissance d’exécution. On voit que, si les artistes de ces époques reculées n’ont pas gravé de médailles proprement dites, c’est que cet art était perdu ou passé de mode. Ce ne fut que dans les premières années du XVe siècle qu’un Italien nommé Vittore Camelo retrouva ou inventa l’art d’enfoncer les coins de médailles dans l’acier ; aussi toutes les pièces qui parurent en Italie dans le XVe siècle, et particulièrement tous ces beaux médaillons que nous ont laissés les Italiens, sont-elles fondues et ciselées comme les sceaux.

La gravure en médailles ou plutôt l’art de fondre et de ciseler les médaillons suivit vers le milieu du XVe siècle les évolutions des autres arts. Vittore Pisano ou Pisanello, peintre de Vérone et graveur en pierres fines et sur métaux, opéra dans son art la même révolution que les Brunelleschi, les Masaccio, les Ghiberti, les Donatello, dans le leur. Vittore Pisano excella dans les représentations de la face humaine ; toutes ses effigies sont merveilleuses par leur caractère grand, simple et personnel. On est tenté d’adresser à quelques-unes de ces têtes si vivantes placées à la face de ses médaillons le mot de Michel-Ange au Saint Marc de Donatello : Marco, perchè non mi parla ? Il excellait également dans l’invention des sujets qu’il plaçait au revers de ses pièces et dont l’exécution est toujours naïve et savante. Ses médaillons de François Sforce, de Louis de Gonzague, de Lionel marquis d’Este, de Malatesta Novello, sont des chefs-d’œuvre. Sa médaille de Cécile, vierge, fille de François Sforce, premier marquis de Mantoue, peut rivaliser avec les plus belles pièces antiques. Le revers qui représente une jeune femme nue, appuyée sur la tête d’une licorne, est charmant de pensée et d’exécution ; et quelle gracieuse simplicité dans le buste effilé et toute l’effigie de la jeune vierge !

Vittore Pisano jouissait en Italie d’une immense réputation et fut recherché