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nous voyons un Samson terrassant un lion qui rappelle la gravure sur bois d’Albert Dürer. On lit en légende : Provinciarum pacator. Cette médaille a-t-elle été frappée en France ou en Italie, et quel en est l’auteur ? c’est ce qu’on ignore. La figure du Samson est d’un grand goût et dénote un artiste exercé.

Les médailles du roi Louis XII ne sont guère plus nombreuses que les médailles de Charles VIII : elles sont relatives à la conquête de Milan et aux guerres d’Italie. Les deux plus curieuses ont trait aux différends du roi avec la papauté. La première nous montre le prince, la couronne en tête avec cette légende Ludo. Fr. regni q. Neap. r. (Louis, roi de France et du royaume de Naples) ; au revers est gravé l’écusson de France avec cette devise : Perdam Babylonis nomen (je détruirai jusqu’au nom de Babylone). Louis XII fit frapper cette médaille en 1512, au moment où le pape Jules II venait de se déclarer contre la France et jetait un interdit sur le royaume. La seconde médaille représente le buste de George d’Amboise, avec cette légende que je traduis du latin : George d’Amboise, cardinal de la sainte église romaine, et au revers, les insignes de la papauté entourés de ces mots : Tulit alter honores (un autre a obtenu ces honneurs). Cette médaille est certainement l’une des plus singulières qui existent quant au sujet. George d’Amboise, candidat pour la tiare, s’était vu préférer Julien de la Rovère, depuis Jules II, et il faisait frapper une médaille commémorative de son désappointement, qui fut grand, si on en juge par le module de la médaille, qui n’a pas moins de vingt-quatre lignes ou cinquante-quatre millimètres.

Les médailles du roi François Ier présentent peu de différence avec celles des monarques qui l’avaient précédé sur le trône ; elles n’ont ni plus de relief ni plus de perfection que les monnaies du temps, seulement le module est plus étendu. Quelques-unes ont dû être gravées par des maîtres italiens et très probablement par le graveur Matteo del Nassaro de Vérone, qui suivit en France le roi François Ier et qui y répandit le goût de la gravure en pierres fines et des médailles. La médaille de la victoire de Marignan est la plus remarquable du règne. Elle porte à l’avers le buste du roi couronné de lauriers avec cette légende : Francistes I Francorum rex, et au revers un trophée d’armes avec ces mots : Vici ab uno Coesare victos (j’ai vaincu ceux que César seul avait pu vaincre). À l’exergue est écrit le mot Marignan. On voit que la légende n’avait rien perdu de sa concision antique, et que les formules d’adulation n’étaient rien moins qu’épuisées.

Le roi Henri II fit faire des progrès à la gravure des médailles. Le premier, il établit entre les médailles et les monnaies une distinction nécessaire. Par un édit de 1549, il ordonna de placer à l’avenir l’effigie du monarque et le millésime sur les monnaies. Sous son règne, on se servit pour la première fois du balancier, que Nicolas Briot venait d’inventer ; mais, après quelques essais, les partisans de la routine l’emportèrent, et tandis que Nicolas Briot portait en Angleterre, où elle fut adoptée, sa nouvelle invention, on reprit à la monnaie du Louvre la fabrication au moulin et au marteau. Ce ne fut que vers la fin du règne de Louis XIII que le balancier, qui faisait merveille chez les Anglais, fut rapporté en France et définitivement adopté[1].

  1. On sait comment se gravent et se frappent les médailles. La face et le revers de la pièce sont gravés en relief sur un morceau d’acier que la trempe rend extrêmement résistant. Ce relief est ensuite enfoncé dans un coin d’acier moins trempé et plus malléable, où il forme le creux. Ces creux, trempés à nouveau, servent à frapper les médailles en or, argent, bronze ou tout autre métal. À cet effet, on place entre les deux coins ou creux un morceau de métal de la forme et à peu près du diamètre de la médaille. Ce morceau s’appelle flan. On adapte autour des deux coins rapprochés et contenant le flan une virole ou cercle en fer qui maintient le tout, de façon à ce qu’aucun dérangement ne puisse se produire. Les coins sont ensuite disposés sous le balancier, que plusieurs hommes placés à l’extrémité des branches des leviers mettent en mouvement, et dont quelques coups suffisent pour donner à la médaille toute la perfection désirable.