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de Richelieu, Louis XIII, près de mourir aussi, en même temps qu’il établissait le prince de Condé chef du conseil, nommait le duc d’Enghien généralissime de la principale armée française destinée à défendre la frontière de Flandre, menacée par une puissante armée espagnole. Le duc d’Enghien n’avait pas vingt-deux ans. Un mois après, il gagnait la bataille de Rocroy, en attendant celles de Nortlingen et de Lens.

Tel était le frère ; la sœur n’était pas restée au-dessous des exemples de sa maison, et de son côté elle était rapidement parvenue, par son esprit et sa beauté, à une assez grande renommée.

Dès son enfance, les grandes leçons ne lui avaient pas manqué.

Elle avait huit ans en 1627, quand un des proches parens de sa mère, le brave Montmorency-Boutteville, eut la tête tranchée en place de Grève pour s’être battu en duel à la Place Royale contre le marquis de Beuvron, malgré l’édit du roi, laissant sous la protection de Mme la Princesse sa veuve et trois enfans en bas âge : Marie-Louise, depuis marquise de Valençay, Isabelle-Angélique, depuis duchesse de Châtillon, et François-Henri de Montmorency ; né après la mort de son père, et qui est devenu le duc maréchal de Luxembourg, l’un des plus fidèles amis et des meilleurs lieutenans de Condé.

Elle avait treize ans en 1632, lorsque le propre frère de sa mère, le duc de Montmorency, monta sur un échafaud à Toulouse pour s’être révolté contre le roi, ou plutôt contre Richelieu, sur la foi incertaine de Gaston duc d’Orléans. Cette terrible catastrophe, qui retentit d’un bout à l’autre de la France, remplit de deuil l’hôtel de Condé, et fit une impression profonde sur l’ame délicate et fière de Mlle de Bourbon. Elle en fut si troublée, que sa douleur, ajoutant à la piété, dans laquelle elle avait été nourrie, de nouvelles ardeurs, elle songea très sérieusement à quitter le monde et à se faire carmélite dans le grand couvent de la rue Saint-Jacques.

Quelle éducation religieuse Mie de Bourbon avait-elle donc reçue pour qu’une telle pensée lui soit venue à treize ou quatorze ans ? Comment connaissait-elle le couvent des Carmélites, et quels liens y avait-elle déjà formés qui l’y attiraient si puissamment ?

C’était le temps où l’esprit religieux, après avoir débordé dans les guerres civiles et enfanté les grands crimes et les grandes vertus de la Ligue, épuré mais non affaibli par l’édit de Nantes et la politique d’Henri IV, puisait dans la paix des forces nouvelles, et couvrait la France, non plus de partis ennemis armés les uns contre les autres, mais de pieuses institutions où les ames fatiguées s’empressaient de chercher un asile. Partout on réformait les ordres anciens ou on en fondait de nouveaux. Richelieu entreprenait courageusement la réforme du clergé, créait les séminaires, et au-dessus d’eux, comme leur