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l’imagination, et c’est là en effet le foyer sacré de toutes les grandes choses. Quelle[1] philosophie que celle qui viendrait ici proposer ses misérables objections ! Prenez-y garde : elles tourneraient contre Socrate et son démon, aussi bien que contre le bon ange de la mère Madeleine de Saint-Joseph. Ce bon ange-là était au moins la vision intérieure, la voix secrète et vraiment merveilleuse d’une grande ame transfigurée.

La mère Madeleine de Saint-Joseph, née en 1578, entrée au couvent en 1604, fit profession en 1605, et mourut en 1637. Après sa mort, elle a été béatifiée[2].

Marie de Jésus est une religieuse d’un tout autre caractère.

Charlotte de Sancy était fille de Nicolas de Harlay, sieur de Sancy, qui fut sous Henri IV ambassadeur, surintendant des finances, colonel des Suisses. Les deux fils de Harlay de Sancy, après avoir joué d’assez grands rôles, se retirèrent à l’Oratoire. Sa première fille épousa M. d’Alincourt, l’aïeul du duc de Villeroy ; la seconde, Charlotte, épousa le marquis de Bréauté. Restée veuve à vingt et un ans, belle, spirituelle, d’une humeur charmante, elle était les délices de sa famille et l’un des ornemens de la cour d’Henri IV. Les plaisirs s’empressaient autour d’elle ; mais un jour, en lisant une vie de sainte Thérèse, elle fut saisie de l’amour de Dieu, et toute jeune encore elle se retira aux Carmélites et y fit profession, sous le nom de Marie de Jésus, la même année que Madeleine de Saint-Joseph. Elle garda dans le cloître cette douceur victorieuse qui, dans le monde, ajoutait à l’effet de sa beauté et lui soumettait tous les cœurs. Elle fut adorée de ses nouvelles compagnes, comme elle l’avait été à la cour. Son don particulier était, avec la douceur, une charité sans bornes, qui s’appliquait surtout au salut des aines. Elle excellait dans l’art de ramener les pécheurs à Dieu. C’étaient là ses miracles. En voici un que nous a conservé la tradition carmélite :

Un homme de mérite, qui possédait des biens et des emplois considérables, avait un commerce coupable. Sa mère en était désolée, et elle venait souvent verser son chagrin dans le sein de sa fille, religieuse

  1. Nous avons ailleurs solidement établi que des trois sources de la connaissance humaine, l’intuition, l’induction, la déduction, la première est de beaucoup la plus féconde et la plus élevée. C’est l’intuition qui, par sa vertu propre et spontanée, découvre directement et sans le secours de la réflexion toutes les vérités essentielles ; c’est la lumière qui éclaire le genre humain, c’est la voix qui parle aux prophètes et aux poètes, c’est le principe de toute inspiration, de l’enthousiasme, et de cette foi inébranlable et sûre d’elle-même, qui étonne le raisonnement réduit à la traiter de folie parce qu’il ne peut s’en rendre compte par ses procédés ordinaires. Voyez Cours de Philosophie, passim.
  2. Voyez la Vie de la Mère Madeleine de Saint-Joseph, religieuse carmélite déchaussée, par un prêtre de l’Oratoire (le père Senault) ; Paris, 1655, in-4o. Il y en a une seconde édition avec des argumentations de 1670.