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Les agrémens de sa personne, et plus encore sa douceur et sa modestie, lui attirèrent l’estime et l’affection de la reine. Jamais Mlle de Bains ne s’en prévalut que pour faire du bien aux malheureux. Cette générosité avoit sa source dans un cœur noble, tendre, constant pour ses amis, qu’elle réunissoit à un esprit solide, judicieux, capable des plus grandes choses, et il sembloit que le Créateur eût pris plaisir à préparer dans ce chef-d’œuvre de la nature le triomphe de la grace. Tant d’aimables qualités fixèrent les yeux de tolite la cour. Nombre de seigneurs briguèrent une alliance si désirable, nommément le duc de Bellegarde, le maréchal de Saint-Luc, etc. ; mais celui qui l’avoit élue de toute éternité pour son épouse ne permit pas que ce cœur digne de lui seul fût partagé avec aucune créature. La divine Providence lui ménagea dans ce même temps une mortification (nous en ignorons le genre) qui commença à lui dessiller les yeux et à lui donner quelque légère idée de vocation pour la vie religieuse. »


Mlle de Bains n’accompagnait jamais la reine Marie de Médicis aux Carmélites sans désirer y rester. Une maladie qu’elle fit à dix-huit ans redoubla sa ferveur, mais elle fut traversée par les efforts de toute la cour pour la retenir, surtout par les supplications et les larmes de sa mère. Quand Mlle de Bains se fut jetée aux Carmélites, à peine âgée de vingt ans, sa mère l’y poursuivit. « Elle conduisit sa fille dans le fond du jardin, et là, pendant trois heures entières, elle employa tout ce que put lui suggérer l’amour le plus tendre. Après avoir épuisé les caresses et tâché d’intéresser sa conscience en lui disant qu’étant veuve et chargée de procès, son devoir l’obligeoit à la secourir dans sa vieillesse, enfin hors d’elle-même, elle tomba aux pieds de sa fille, noyée dans ses larmes. Quelle épreuve pour Mlle de Bains, qui aimoit autant cette tendre mère qu’elle en étoit aimée ! Son recours à Dieu la fit sortir victorieuse de ce premier combat, qui ne fut pas le dernier, Mme sa mère étant souvent revenue à la charge tout le temps de son noviciat. »

Pendant quelque temps, le couvent de la rue Saint-Jacques fut assiégé par des seigneurs du premier rang qui vinrent offrir leur alliance à la belle novice. Sa constance n’en fut pas même effleurée, et elle se serait refusée à toutes ces visites, si la mère prieure, pour l’éprouver, ne l’eût contrainte de s’y prêter. Elle fit ses vœux en 1620, sous le nom de Marie-Madeleine de Jésus.

Il faut que sa beauté ait été quelque chose de bien extraordinaire, à en juger par l’anecdote suivante racontée par le pieux auteur dont nous nous servons : « L’humilité étant le fondement de tout l’édifice spirituel, la sœur Marie-Madeleine de Jésus saisissoit avec ardeur tous les moyens d’anéantir à ses propres yeux et à ceux des autres les dons de nature et de grace dont Dieu l’avoit favorisée. Peu contente de s’estre soustraite aux visites des grands et de toutes ses amies, dans le désir d’en être oubliée et d’ôter de devant leurs yeux tout ce qui pouvoit la rappeler à leur esprit, son premier soin fut, sous divers prétextes, de