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urbs, complétée, le gouvernement aura fait un grand pas dans les rapports du passé avec l’avenir[1]. »

Inspirer au pays sur l’origine et la nature de la souveraineté des croyances en opposition directe avec celles qu’il entretenait depuis cinquante ans ; faire participer l’église à l’action et à l’autorité politiques et lui transférer le monopole de l’enseignement ; arrêter la mobilisation du sol par le principe des substitutions et celle de la famille par le droit de primogéniture ; traduire enfin la liberté de conscience d’après M. de Maistre, la charte d’après M. de Bonald, et le code civil d’après M. de Montlosier : telle était la tâche herculéenne que l’opinion de droite prétendait alors imposer à la dynastie ; telle fut l’œuvre que cette opinion poursuivit durant quinze ans contre la politique du roi Louis XVIII. C’était au lendemain des cent-jours, lorsque la restauration, encore entourée de ses cours prévôtales et de cent cinquante mille étrangers, était campée plutôt qu’assise sur un sol où fermentaient tant de colères, qu’on la conviait à cette lutte ouverte contre les idées issues de la révolution française et contre les mœurs formées par elle. Ni le talent, ni le courage ne manquèrent aux hommes qui se dévouèrent à cette tentative impossible. L’entreprise formulée en 1815 et soutenue durant les six années de l’administration de M. de Villèle fut le dernier grand acte de foi qu’un parti politique ait fait en France les hommes de 1815 et de 1825 avaient du moins le loyal courage de toutes leurs opinions comme de toutes leurs haines, et leur échec a constaté pour jamais l’impossibilité d’organiser, d’après les types du passé, cette société mobile et troublée au sein de laquelle Dieu poursuit son œuvre par des voies qui nous confondent.

La chambre de 1815, durant sa courte et brillante carrière, eut à peine le temps d’exposer, par l’organe de ses publicistes et de ses orateurs, le programme de cette vaste politique contre-révolutionnaire. Une lutte très vive pour conserver au clergé la portion de ses forêts non aliénées, diverses propositions, non revêtues de la sanction législative, pour lui rendre la tenue des registres de l’état civil et lui attribuer la direction de l’enseignement public, tels furent les seuls résultats effectifs d’un labeur dont des soins plus pressans détournèrent d’ailleurs cette assemblée. La lutte était trop ardente et les passions trop excitées pour que les questions de personnes ne primassent point alors les questions de doctrines ; mais après que la guerre d’Espagne eut donné une armée à la maison de Bourbon et que celle-ci eut retrouvé la chambre introuvable, appuyée sur les longues perspectives de la septennalité, le parti royaliste se remit sans hésitation comme sans retard au travail que lui imposaient sa conscience et sa foi politique.

  1. Le comte de Montlosier, De la Monarchie française.