Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/893

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblable à la plupart de celles des États-Unis, c’est-à-dire formée de deux séries de rues se coupant à angle droit, les unes allant du nord au sud, les autres de l’ouest à l’est. Au centre de la ville sera une vaste place. Le tronc principal du chemin de fer qui traverse l’île du nord au sud occupera en partie l’une des rues de la ville, comme on le voit presque partout aux États-Unis. Déjà, au commencement de l’année dernière, quelques-unes des rues de la cité nouvelle étaient percées en partie à travers les arbres qui couvrent la surface de l’île. À cause de la nature marécageuse du sol, on sera forcé d’établir sur pilotis toutes les constructions et de remblayer les rues à 2 ou 3 mètres au-dessus de la surface actuelle. Ce sera un travail considérable et assez dispendieux, attendu qu’il faudra apporter de loin tous les matériaux nécessaires à l’exhaussement du sol ; mais, malgré ces difficultés, il est probable que la ville fera des progrès assez rapides. Déjà une première section du chemin d’environ 16 milles de longueur vient d’être livrée à la circulation, et les navires commencent à abandonner Chagres pour la baie de Limon, où ils trouvent de grandes facilités pour l’embarquement et le débarquement. La population active de Chagres sera donc forcée d’émigrer en masse vers la baie de Limon et de s’établir sur l’île de Manzanilla. Ce sera là un premier noyau de population, qui s’accroîtra sans doute lorsqu’on aura trouvé moyen d’assainir le sol de l’île et les terrains marécageux qui l’avoisinent du côté du sud. Il est certain d’ailleurs que les travaux du chemin de fer contribueront à l’assainissement de cette localité, parce qu’ils ouvriront un large passage à la brise du nord, qui circule avec difficulté à travers la végétation épaisse dont ces terrains ont été couverts jusqu’à présent.

C’est sur l’île de Manzanilla que sont apportés de New-York les bois, les outils et les objets divers destinés à la construction du chemin de fer ; c’est là aussi qu’on expédie les denrées destinées à la nourriture du personnel employé sur les travaux. Pour répartir tous ces objets sur la ligne, dans les différens chantiers, le long du cours de la rivière Chagres, la compagnie se sert de deux bateaux à vapeur : l’un de ces bateaux, le Gorgona, a été construit à New-York ; c’est un navire en fer jaugeant à peu près 5 pieds (1 mètre 62 cent.) d’eau et muni de deux machines à haute pression ; il fait le service entre la baie de Limon, Chagres et les stations les plus rapprochées de Chagres sur la rivière. Ce navire, malgré ses faibles dimensions, a fait la traversée de New-York à la baie de Limon, non pas en suivant timidement les côtes pour trouver facilement un abri en cas de gros temps, mais hardiment, par la route que suivent les bâtimens de haut-bord, en pleine mer. C’est là, pour le dire en passant, un de ces traits de hardiesse auxquels se complaisent les Américains ; il n’y a pas de peuple au monde qui mérite aussi bien qu’on lui applique ces vers d’Horace :