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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/954

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direction de la plage, semblent indiquer que ces plaines ne sont elles-mêmes que l’ancien littoral, reculé par les lentes alluvions de la mer.

Dans son rapport du 20 février 1832, M. le ministre de la marine Ducos a indiqué les graves motifs qui l’avaient guidé dans le choix de la Guyane comme colonie pénitentiaire. Nous ferons remarquer qu’une des plus sages mesures proposées dans ce rapport consiste.à choisir les îles du Salut, îlots éloignés de quatre lieues du littoral de la Guyane, pour y déposer provisoirement les condamnés, afin de les acclimater peu à peu à leur nouvelle patrie. Nul doute que la vue des belles contrées de la Guyane, de ces forêts impénétrables où la nature déploie un luxe étonnant de végétation, ne séduise les nouveaux colons, comme elles nous ont séduit nous-même quand nous les avons parcourues pour la première fois. Cependant l’expérience des faits antérieurs est là pour démontrer que ce n’est pas impunément que l’on dépouille un sol quelconque de sa virginité primitive : cette végétation superbe, en effet, ne recèle que trop souvent des principes mortels d’empoisonnement miasmatique. C’est donc une mesure bien sage que de préparer d’abord, sur des îles isolées en pleine mer, les premiers fondemens de notre établissement pénitentiaire.

Si cette tentative de colonisation réussit, non-seulement la France se sera ainsi débarrassée de ses bagnes, vraie lèpre sociale qui entretenait les traditions de l’école du crime dans les bas-fonds de la population, mais encore elle aura utilisé son immense possession de la Guyane, laquelle, il faut bien le dire, se mourait rapidement après 1848, elle qui n’avait jamais été fort vivace avant cette époque. Voici en effet les tristes chiffres que nous donnent les relevés de douane relatifs au mouvement de production et de commerce de cette colonie : en 1847, le chiffre des exportations du sucre de cette colonie montait à 2,309,180 kilogrammes, et ne tombait même vers la fin de 1848 qu’à 2,080,493 kilogrammes ; mais peu à peu les nouveaux affranchis, qui avaient à leur portée tant de terres disponibles, abandonnèrent les habitations de leurs maîtres, ou s’y maintinrent dans une oisiveté presque absolue. Aussi la production du sucre de la Guyane tomba-t-elle en 1849 à 1,004,560 kilogrammes et en 1830 à 401,618 kilogrammes ; à la fin de 1851, elle n’accusait plus qu’un total de 320,543 kilogrammes de sucre exporté. Ces déplorables résultats ont fait agiter une question de première importance : après les énormes sacrifices que le gouvernement a faits pour cette colonie et la population qui l’habite, n’a-t-il pas le droit d’en maintenir les travailleurs dans le rayon des terres où il a jugé nécessaire de concentrer son administration ? Il est à désirer que cette question reçoive une solution favorable à la grande culture.

La population de la Guyane française se compose de 1,300 blancs, de 5,000 hommes de couleur et de 12,000 noirs affranchis ; cette population