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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/976

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avaient enseigné au plus grand nombre la modération, aux autres l’hypocrisie. Quoiqu’il fût dans la destinée de la chambre élue en novembre 1827 de provoquer une révolution, cette assemblée fut peut-être l’une de celles où les élémens hostiles à la monarchie tenaient le moins de place et au sein de laquelle l’opposition presque entière prenait le plus au sérieux les institutions existantes. Ses membres étaient environnés d’une considération méritée : aucun des grands scandales électoraux de 1820 n’avait, lors de sa formation, soulevé la conscience publique, et ce n’était plus la tête de Louis XVI à la main qu’un parti se présentait devant la royauté pour traiter avec elle. On commençait à préférer la chance de partager le pouvoir à la tâche périlleuse de le renverser. En donnant en temps utile, spontanément, une large part dans les affaires aux hommes qui, sous la monarchie de 1830, en conquirent le monopole, la branche aînée n’aurait probablement pas rencontré des serviteurs moins dévoués et moins énergiques que ceux de la branche cadette ; un appel de l’antique royauté aurait en de sa part l’effet heureux de flatter les amours-propres en servant les ambitieux, et si la nature de son titre lui interdisait certaines concessions de principes, ce titre même aurait rehaussé l’éclat de toutes les concessions de personnes. Donner beaucoup aux hommes pour avoir moins à toucher aux choses, changer sa base dans la nation en la maintenant dans l’histoire, telle était donc la marche indiquée à la monarchie légitime lors de la réaction ouverte par les élections générales de 1829. Sans garantir, en présence des exemples du passé, le succès d’une telle politique, on peut affirmer qu’elle était entre toutes la moins périlleuse, et qu’en refusant de la pratiquer, on s’ôtait le droit d’accuser la fortune.

Le roi Charles X, par ses qualités comme par ses défauts, était de tous les princes de sa maison celui auquel répugnaient le plus un appel à des hommes nouveaux et l’abandon de ses anciens amis. Durant soixante ans, il avait vécu claquemuré dans son parti comme un religieux dans son cloître. Il était pleinement convaincu que la mission de sauver et de servir la royauté n’incombait qu’aux royalistes, et, malgré un grand fonds de bienveillance naturelle, ce n’était jamais sans une lutte contre lui-même qu’il consentait à donner ce titre aux hommes que leur destinée avait tenus séparés de la sienne. Il avait une idée fort exagérée de la puissance morale de la royauté et faisait à la révolution l’honneur de la croire incorruptible. Appeler dans ses conseils ceux qui l’avaient servie lui semblait et une imprudence de roi et une apostasie de gentilhomme. Comme tous les gens de parti, il transigeait plus facilement sur les actes que sur les personnes. Le prince religieux à la conscience duquel son cabinet imposa les ordonnances du 28 juin sur les petits séminaires aurait accueilli comme un insensé ou comme