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en enlèvent chaque année une valeur de 4 millions de dollars ou 20 millions de francs.


IV. – L’EMIGRATION FRANCAISE EN CALIFORNIE.

La Californie, étudiée tour à tour dans la configuration de son sol et dans son histoire, dans les élémens de la population qu’elle renferme, dans les conditions que la nature y fait au travail de l’homme, nous laisse une dernière question à résoudre. Dans quelle mesure les intérêts français peuvent-ils s’y établir ? Quel rôle peut y appartenir à une émigration française ? Ici encore l’expérience des dernières années peut nous aider à répondre.

C’est à partir de l’année 1849 que commença sur une très grande échelle l’immigration française pour la Californie. Le personnel de cette immigration n’est point, ainsi qu’on pourrait le supposer, un ramassis d’aventuriers éhontés, comme en ont jeté sur cette plage tant d’autres nations européennes. À quelques exceptions près, au contraire, les Français, dans cette partie du monde, forment une classe d’hommes d’élite, entreprenans et énergiques, d’antécédens honorables et bien au-dessus du reste de la population californienne, composée de tant d’élémens divers. J’ai entendu souvent des habitans notables de San-Francisco s’exprimer dans les termes les plus flatteurs sur la conduite des Français qui séjournaient dans cette ville. On citait les auteurs des crimes et délits commis à San-Francisco (Dieu seul en connaît exactement le nombre !) pendant une période de plusieurs mois, et la population française figurait à peine dans cette triste énumération.

Les premiers émigrans qui sont partis de France pour l’Eldorado, depuis la fin de l’année 1848 jusqu’en 1850 inclusivement, s’y sont rendus, beaucoup d’entre eux au moins, sans réflexion et sur la foi de récits fort exagérés, empruntés aux feuilles américaines, un peu intéressées à faire briller ce qui n’était pas toujours de l’or. De pareils renseignemens puisés à une telle source demandaient alors confirmation. D’un autre côté, la langue anglo-américaine est riche en locutions emphatiques singulièrement propres à induire en erreur l’Européen peu familiarisé avec ces raffinemens d’imposture. Toujours est-il qu’un grand nombre de Français de diverses classes, presque tous possédant de l’instruction ou habitués à des occupations sédentaires, médecins, avoués, notaires, avocats, ingénieurs, professeurs, employés d’administration, ouvriers d’industries parisiennes et jusqu’à d’anciens députés, se dirigèrent vers les plages californiennes. Tous ces hommes formaient sans doute une émigration fort honorable, mais ne convenaient nullement pour le genre de travail qu’ils voulaient entreprendre, car chacun partait avec l’intention de se rendre aux placers