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avait concédé un privilège pour la construction de cette voie à D. José Garay. Au milieu des révolutions qui ont bouleversé le pays, ce privilège a dû être plusieurs fois prorogé : il l’a été notamment par un de ces dictateurs éphémères qui ont si souvent surgi au Mexique, le général Salas. Garay profita de cette dernière prorogation pour transmettre son privilège à une compagnie anglaise d’abord, et ensuite à la compagnie américaine Hargous ; mais alors le sentiment national s’est réveillé dans la république espagnole. On a commencé à sentir que si les Américains, qui menacent le pays par toutes les frontières du nord, allaient s’établir encore à Tehuantepec, il n’y avait plus de Mexique. Le congrès fédéral de Mexico, saisi de la question, a déclaré illégale la prorogation du général Salas et périmé le privilège Garay, de telle sorte que la compagnie américaine se trouvait en possession d’un titre sans valeur. On conçoit l’exaspération des Yankees. Les menaces contre le Mexique ont de nouveau retenti, des bruits de guerre ont circulé ; ils ne semblent pas fondés pour le moment. Si une telle éventualité se reproduisait, ce serait la dernière heure du Mexique. Il n’aurait pas même de quoi soutenir la lutte un instant ; il plie sous le déficit, qui s’accroît chaque jour. Dans les derniers momens de la session législative, le général Arista a proposé diverses mesures tendant à rendre un peu de ressort aux finances ; la plupart de ces mesures sont restées en suspens. Enfin, avant la séparation des chambres, le président mexicain a demandé à être investi de pouvoirs extraordinaires en cas de complications faciles à prévoir. Ces pouvoirs lui ont été refusés. Reste à savoir si l’Europe, qui a tant d’intérêts au Mexique, peut laisser s’accomplir, sans rien dire, cette dissolution, ce démembrement de l’empire mexicain. Nous avons toujours cru que l’Europe avait commis une grande faute en n’intervenant pas d’une manière ou d’autre lors de la guerre de 1846. À cette époque, deux provinces, le Nouveau-Mexique et la Haute-Californie, ont passé aux États-Unis. Aujourd’hui c’est tout le Mexique qui serait absorbé. Il arrive malheureusement à l’Europe de ne point intervenir assez à des heures décisives dans certaines contrées de l’Amérique et de trop intervenir dans d’autres, comme elle l’a fait fréquemment dans la Plata. Une mission diplomatique, on s’en souvient, est partie de France, il y a quelques mois, pour le Rio de la Plata. À son arrivée, elle aura trouvé une révolution nouvelle accomplie. Six mois à peine après la chute de Rosas, le général Urquiza se trouve à peu près investis des mêmes pouvoirs que son prédécesseur. Comment cela s’est-il fait ? Comme se font toutes les révolutions de ce genre, surtout en Amérique. L’anarchie a ramené la dictature. Nous n’avons pas été les derniers à exprimer des doutes sur l’issue des événemens qui se sont accomplis dans la Plata au commencement de cette année. Cela était facile à prévoir. À peine se sont-ils sentis libres de la vigoureuse autorité qui les tenait, les Argentins de Buenos-Ayres ont recommencé les mêmes excès qu’autrefois. Tout s’est déchaîné, la presse et la tribune. Le nouveau pouvoir a été mis en suspicion. Il y a eu un instant où le pays a été sur le point de retomber en pleine révolution. C’est alors que le dénoûment s’est précipité ; le prétexte n’a pas manqué. Aussitôt après le rétablissement de la paix dans la République Argentine, tous les gouverneurs des provinces, convoqués par le général Urquiza, s’étaient réunis à San-Nicolas de los Arroyos, pour fixer les bases de l’organisation nationale. De ces conférences est sorti un