Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1081

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’établissement est vers six heures du soir[1] ; ainsi, dans les quatre ou cinq jours des marées de vive-eau, les seules où les ports soient accessibles pour les grands bâtimens, le plein de la mer se place entre cinq et sept heures, tant du soir que du matin. Pendant la mauvaise saison, ces heures appartiennent à la nuit. Nous adoucissons quelquefois la rigueur des lois de la nature en modifiant, dans la mesure de notre faiblesse, les circonstances auxquelles elles s’appliquent. S’il est impossible ici de soustraire la navigation à la coïncidence des brumes, des gros temps et de l’obscurité, on peut au moins assainir les atterrages et raser, soit au niveau des plages, soit à celui des basses mers, les roches qu’elle risque le plus souvent de heurter. C’est ce qu’on a fait pour les Galettes, qui masquaient l’entrée du Légué : c’est ce qu’on devrait faire aux abords de tous les autres ports de la baie.

Considérés dans leur ensemble, les écueils de la baie se groupent sur les côtés, et laissent libre au milieu un canal large et profond, qui, marchant du nord au sud, s’épanouit à l’approche de la terre et aboutit aux atterrages de Dahouet, de Binic et du Légué. L’entrée de ce canal est bornée à l’est par le Grand-Léjon, écueil d’autant plus redoutable, qu’élevé de 7 mètres au-dessus des plus basses mers, couvert de 5 par les plus hautes, les courans de flot et de jusant portent dessus avec une violence irrésistible, quand le vent vient à manquer. Le canal est la seule partie sûre de la baie ; le flot et les vents tenant du nord, qui sont ici les plus fréquens et les plus vifs, poussent naturellement vers son extrémité les navires qui manquent par mauvaise fortune ou évitent par prudence l’entrée des ports d’aval, et il est presque toujours facile de s’y maintenir ou de s’y jeter. Cette disposition naturelle des choses met en même temps en relief les vices du domaine maritime et les remèdes qu’il y faudrait apporter. Ceux-ci seraient de deux sortes et se placeraient l’un à l’ouverture, l’autre au fond de la baie. Le premier consisterait dans l’élévation sur le Grand-Léjon d’une pyramide doublement utile comme balise méridionale du chenal de Granville et de Saint-Malo et comme indication de l’entrée du chenal de Saint-Brieuc. La construction de ce signal ne serait point une entreprise ordinaire ; mais, indépendamment des ressources offertes par les métaux, il n’y a point ici de difficultés invincibles pour l’art

  1. On entend par établissement des marées d’un port l’heure a laquelle la marée qui suit le passage de la nouvelle lune au méridien atteint sa plus grande hauteur. Cette heure est toujours la même, et sert de point de départ pour le calcul des heures de la pleine mer dans l’intervalle entre les syzygies.
    L’établissement exact des marées est :
    à l’île Bréhat, à : 8 heures 48 minutes du soir.
    à Paimpol, à : 6 heures
    au Légué et à Erquy, à : 6 heures 5 minutes du soir.