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le pays par des courses rapides, cherchant par tous les moyens à priver le chérif des ressources qu’il trouvait dans le Dahra. Le 15 février, les Madiounas, puissante tribu de la subdivision de Mostaganem, payaient d’un seul coup tout l’arriéré de leurs méfaits, et pour quelque temps du moins étaient mis hors d’état de venir en aide au Bou-Maza. Ils furent tondus jusqu’à la peau, ces pauvres Madiounas, et les plus avides au pillage furent leurs frères de Mazouna, les receleurs habituels de leurs rapines. Comme il s’agissait avant tout de diminuer leurs ressources, le lieutenant-colonel n’avait rien trouvé de mieux que de s’adjoindre huit cents hommes de Mazouna. Avec de pareils vautours, la besogne devait être bien faite. Le spectacle, au reste, était curieux. Sur les hauteurs, une partie de la troupe se tenait en observation, maintenant les Kabyles à distance, pendant que le reste des soldats pénétraient dans les maisons[1]. Alors jarres, burnous, peaux de bouc, haïcks, étaient jetés pêle-mêle devant la porte avant qu’on livrât les maisons aux flammes. D’autres se répandaient dans les vergers, semant partout la ruine et la désolation, et au milieu de tous, dans cette curée, le Juif, poursuivant le gain, chargeait ses mulets de dépouilles, ne laissait traîner ni un vase ni un lambeau d’étoffe. Bientôt l’œuvre de destruction, cette cruelle nécessité de la guerre, fut accomplie, et le clairon sonna le ralliement. Peu à peu, durant ce temps, les groupes ennemis semblaient augmenter, l’agitation devenait plus grande, le bourdonnement précurseur se faisait entendre. Comme toujours, le moment du retour fut le signal de l’attaque. De droite, de gauche, de tous côtés, les hurlemens et les coups de fusil éclatèrent en même temps. Nos troupes se retiraient en bon ordre, les lignes de tirailleurs repoussaient toutes les attaques. Emportés pourtant par l’ardeur de la lutte, plusieurs tirailleurs abusent de leurs cartouches. Les Kabyles s’aperçoivent que le feu diminue, les balles n’arrêtent plus leur élan. Sur un petit plateau qui précède l’Oued-Tancer, au moment où l’on allait envoyer des troupes fraîches aux lignes de tirailleurs, ils se précipitent, cherchant à les entamer; mais le colonel avait prévu ce mouvement, et la petite cavalerie de la colonne, que le capitaine Lapasset accompagnait avec les cavaliers indigènes, avait, par son ordre, suivi au galop un pli de terrain qui dérobait son approche. Ils arrivent, tombent sur les Kabyles, les percent de leur sabre. Le capitaine Lapasset est blessé; on perd quelques hommes; l’ennemi est repoussé au loin et n’ose plus renouveler son audacieuse attaque. Nos soldats ne détruisaient pas toujours. Loin de là, pour protéger

  1. Les Kabyles, on le sait, ne vivent point sous la tente, ils habitent des maisons solides et bien bâties.