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rencontré un homme doué de toutes les qualités qui ne sont pas précisément abondantes dans notre siècle, la sincérité, la candeur, la piété, la modestie : et pourquoi ne pas raconter la vie d’un tel homme? Est-ce qu’il n’est pas un héros dans son genre au milieu du monde où il vivait, et ces qualités, pour être restées obscures, en étaient-elles moins réelles? Il ne mentait pas, donc c’était un grand homme; il était candide comme un enfant, donc c’était un héros; il était désireux du bien et affamé de foi religieuse, donc c’était une merveille : raisonnement que nous trouvons, quant à nous, parfaitement logique, eu égard au temps où nous sommes. Carlyle a donc écrit la Vie de Sterling, et il a retrouvé pour décrire les incidens de cette courte carrière toutes les couleurs sobres et toute l’ordonnance artistique de ses premiers ouvrages. Rien ne ressemble plus que ce nouveau livre à ses anciennes biographies : c’est une de ses meilleures productions, une des mieux faites, sinon une des plus profondes; nous l’avons trouvée pleine de détails intimes et de faits qui peignent la vie anglaise. Nous allons essayer de réduire ce portrait à une simple miniature, certain qu’il y a intérêt et profit à contempler le médaillon d’un homme de notre temps, qui a vécu de la même vie que nous et a eu mêmes doutes et mêmes douleurs, et qui est un des meilleurs échantillons de la nature humaine à notre époque.

John Sterling, né en 1806 à Kaimes-Castle, en Écosse, d’une famille d’origine irlandaise, eut pour père un homme célèbre lui-même, Edouard Sterling, rédacteur principal du Times pendant de longues années. Militaire dans sa jeunesse, vif et actif, Edouard Sterling avait toutes les qualités requises pour le journalisme. Délaissant donc le métier des armes et celui de fermier qu’il essaya aussi, il fit ses débuts en 1811 par un pamphlet intitulé Réforme militaire, et l’année suivante il engagea avec le Times une correspondance, sous le pseudonyme de Vetus, qui fut très remarquée alors, et dans laquelle il traitait des événemens et des questions à l’ordre du jour, de la guerre étrangère, de Napoléon et de Wellington. Cette correspondance, toute gratuite et toute volontaire de sa part, noua ses rapports avec le Times, et dès-lors il ne cessa d’y collaborer jusqu’en l’année 1840, où il prit définitivement sa retraite. Improvisateur littéraire des plus remarquables, habile à saisir jour par jour les nuances des questions politiques, doué d’un solide tempérament (chose essentielle pour un journaliste), « impétueux, rapide, explosif, » il avait été surnommé par Carlyle le capitaine Tourbillon. Il changeait souvent d’opinion sur les hommes, mais seulement sur les hommes d’une valeur douteuse ou secondaire, qui effectivement sont fort difficiles à juger, très fuyans et très insaisissables; mais il restait très attaché aux hommes d’une valeur incontestable, et il soutint toute sa vie sir Robert Peel et