Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

distribution des appartemens, les détails de l’ameublement, il explique tout à ses amis ; il demande leur avis, emploie leur talent, appelle des artistes, et ne proclame son œuvre finie qu’après l’année 1772. Alors il ne peut résister au plaisir d’écrire et enfin d’imprimer nue Description de la villa de M. Horace Walpole. Ce sont de nouvelles Ædes Walpolianœ, qui ne lui donnèrent que du plaisir, tandis qu’il eut la douleur de voir un jour Houghton abandonné et dépouillé de ses plus nobles ornemens. Il jouit jusqu’à la fin de Strawberry dans tout son éclat. Le précieux mobilier n’en a disparu qu’il y a quelques années, à la voix du crieur public, et la maison est restée debout, quoique dégradée, car c’était un bâtiment de fantaisie, une fabrique de jardin plutôt qu’un manoir durable. Cependant on en peut juger encore l’architecture. La postérité, à laquelle, par des écrits durables, Walpole a recommandé son œuvre de prédilection, a beaucoup rabattu de l’admiration qu’il aurait voulu lui en donner. Elle trouve que le souvenir du maître du lieu vaut mieux que le lieu lui-même, et elle n’en peut guère aimer que ce qu’il n’a pas fait et ce que le temps ne détruit pas, le paysage ; mais, telle qu’elle est, cette habitation est un monument dans l’histoire de l’art des jardins, de cet art si cher aux Anglais, et le seul dans lequel ils soient des maîtres. Walpole s’y connaissait. Il était lié avec Kent, le célèbre dessinateur des parcs de son temps. Il a écrit sur l’art dont il l’appelle le Calvin, pour l’avoir réformé, un essai traduit par le duc de Nivernais, et qui se lit encore avec un vrai plaisir. Une partie intéressante de sa correspondance contient le récit de ses voyages dans quelques-uns des grands châteaux et des lieux pittoresques de l’Angleterre : les sites et les fleurs, les arbres et les eaux, les ruines et les maisons, les tableaux, les sculptures, les meubles, tout attire ses regards, tout provoque ses réflexions. Nul doute que ses entretiens et ses lettres n’aient contribué à ranimer, à répandre et à diriger ce goût des Anglais pour les souvenirs du passé et pour les beautés de la campagne qui a couvert leur pays d’habitations curieuses comme l’histoire, charmantes comme la nature.

Strawberry-Hill était sans histoire ; mais la vue n’avait besoin que d’être encadrée par des massifs, et le jardin était fort joli, trop orné cependant, car le propriétaire aimait les bagatelles ; c’était un des faibles de son esprit. À ses admirations il mêlait des caprices, et il parle de ses poissons rouges avec autant de complaisance que de ses bustes antiques. C’est un peu ce goût pour le singulier et l’artificiel qui le porta à transformer un rustique cottage en monument gothique Il eut le premier, un des premiers du moins, l’idée de relever ce style d’architecture du discrédit où l’avait jeté l’imitation des Italiens. Il en sentait vaguement les mérites, il en comprenait les raisons et les origines, il en étudiait même les âges et les formes, et il commençait, il