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— Que la peine soit appliquée à l’esclave ! dit Macer.

Hilda ne changea pas d’attitude ; seulement elle leva la tête, et Lucius vit deux yeux bleus promener avec calme sur l’assemblée un regard doux et fier, puis tourner vers le ciel un regard plein d’enthousiasme.

— Qui t’a enseigné les lettres interdites à ta vile condition ? dit Macer.

Capito paraissait embarrassé et regardait Hilda d’un air suppliant. Elle garda le silence.

— Où sont les livres qu’on t’a procurés clandestinement, et qui a osé le faire malgré mes ordres ?

— Je ne livrerai point la parole de Dieu, et je ne trahirai point ceux par qui le Seigneur l’a fait descendre jusqu’à une misérable captive. — Et, en disant ces simples paroles, le front de la vierge était rayonnant de la joie des martyrs. Chrétienne et Barbare, l’énergie de sa race prêtait encore plus de force à l’exaltation de sa foi.

— Que la peine soit appliquée à l’esclave ! répéta Macer de ce ton bref et impératif avec lequel les juges prononçaient les formules imposantes de la loi romaine.

Capito était dans un grand trouble. Se penchant vers l’oreille de son frère, il lui dit en balbutiant : Mon cher Macer, ne pourrais-tu pardonner à cette blanche dryade des forêts de la Germanie, dont les yeux ont la couleur des yeux de Pallas, selon le poète, Glaucopis Athènè ?

— Qu’importent la blancheur de sa peau et la couleur de ses yeux ? reprit Macer en promenant sur son frère un regard scrutateur qui achevait de le confondre. N’as-tu pas toi-même, sage Publius, approuvé par un mot ingénieux le choix de la peine que j’ai portée ?

Capito n’avait rien à répondre ; d’ailleurs, bien qu’un bon mouvement l’eût porté à faire un effort pour obtenir la grâce d’Hilda, il était un peu piqué qu’elle eût recherché d’autres livres que ceux qu’il lui prêtait, et surtout des livres juifs ou chrétiens, car c’était tout un aux yeux du rhéteur. Il regrettait presque d’avoir consacré quelques soins à une créature qui s’en montrait si indigne, et se disait tout bas : C’est puiser l’eau dans le tonneau des Danaïdes que de prétendre donner du goût à une Barbare.

Cependant les yeux de Lucius n’avaient cessé de s’attacher sur Hilda, d’abord avec un sentiment de curiosité et de surprise, ensuite avec un intérêt de plus en plus vif et de plus en plus ardent. Son ame, alanguie par les voluptés de l’Ionie et de l’Égypte et un peu blasée sur les charmes des danseuses de Milet et des chanteuses d’Alexandrie, avait été comme réveillée tout à coup par l’apparition de cette blonde jeune fille, qui offrait en elle un mélange nouveau pour lui de grâce et de force, de candeur ingénue et de gravité sérieuse, et qui, par sa blancheur et son immobilité, rappelait à Lucius une belle statue de