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était allée passer les premiers momens de cette désagréable aventure à la Barre, auprès de ses chères amies, Mlles du Vigean. La reine elle-même alla l’y voir, et lui promit sa protection. On décida que la duchesse de Montbazon se rendrait chez Mme la Princesse, à l’hôtel de Condé, et lui ferait une réparation publique. Mme de Motteville raconte avec beaucoup d’agrément tout ce qu’il fallut de diplomatie pour ménager et régler ce que dirait Mme de Montbazon et ce que répondrait Mme la Princesse. « La reine étoit dans son grand cabinet, et Mme la Princesse étoit avec elle, qui, tout émue et toute terrible, faisoit de cette affaire un crime de lèse-majesté. Mme de Chevreuse, engagée par mille raisons dans la querelle de sa belle-mère, étoit avec le cardinal Mazarin pour composer la harangue qu’elle devoit faire. Sur chaque mot, il y avoit un pourparler d’une heure. Le cardinal, faisant l’affaire, alloit d’un côté et d’autre, pour raccommoder leur différend, comme si cette paix eût été nécessaire au bonheur de la France et au sien en particulier. Il fut arrêté que la criminelle iroit chez Mme la Princesse le lendemain, où elle devoit dire que le discours qui s’étoit fait de la lettre étoit une chose fausse, inventée par de méchans esprits, et qu’en son particulier elle n’y avoit jamais pensé, connoissant trop bien la vertu de Mme de Longueville et le respect qu’elle lui devoit. Cette harangue fut écrite dans un petit billet qui fut attaché à son éventail, pour la dire mot à mot à Mme la Princesse. Elle le fit de la manière du monde la plus fière et la plus haute, faisant une mine qui sembloit dire : Je me moque de ce que je dis. »

Mademoiselle[1] nous donne les deux discours prononcés : « Madame, je viens ici pour vous protester que je suis très innocente de la méchanceté dont on m’a voulu accuser : il n’y a aucune personne d’honneur qui puisse dire une calomnie pareille. Si j’avois fait une faute de cette nature, j’aurois subi les peines que la reine m’auroit imposées; je ne me serois jamais montrée dans le monde et vous en aurois demandé pardon. Je vous supplie de croire que je ne manquerai jamais au respect que je vous dois et à l’opinion que j’ai de la vertu et du mérite de Mme de Longueville. » Mme la Princesse répondit : « Madame, je reçois très volontiers l’assurance que vous me donnez de n’avoir nulle part à la méchanceté que l’on a publiée; je défère trop au commandement que la reine m’en a fait. »

On trouve dans le journal manuscrit d’Olivier d’Ormesson[2] quelques détails qui ajoutent au piquant de cette scène de comédie. Elle eut lieu le 8 août. Le cardinal Mazarin y assistait, comme témoin de la part de la reine. Mme de Montbazon ayant commencé son discours sans

  1. Tome Ier, p. 65.
  2. Folio 22.