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semble pas qu’il se manifeste une grande ardeur à prendre part à ce mouvement électoral. En quelques villes, le nombre des votans n’a point été suffisant. En certaines localités, quelques symptômes d’opposition se révèlent; dans le plus grand nombre, les candidats proposés par les préfets sortent victorieux du scrutin. Nous ne voyons point du reste, dans ce mouvement électoral, ce qui pourrait réagir sur la situation politique générale; il s’accomplit sous l’empire de conditions qui, sans en diminuer l’importance, en laissent du moins assez pressentir les résultats pour qu’il s’y mêle peu d’émotion. Enfin ces derniers jours ont vu se produire un incident d’un caractère plus politique. Une partie du ministère a été changée. M. Drouyn de Lhuys succède à M. de Turgot au ministère des affaires étrangères; M. Magne prend la place de M. Lefebvre-Duruflé aux travaux publics. M. de Casablanca a pour successeur au ministère d’état M. Achille Fould. Les trois ministres démissionnaires sont nommés sénateurs. Autrefois on eût appelé cela une crise ministérielle. Il était un peu de l’essence de ces crises de se passer en public : elles naissaient d’un vote, et chacun se mettait immédiatement à l’œuvre pour procréer sa combinaison. Les candidats n’étaient point les derniers quelquefois à mettre en circulation des listes où ils avaient soin, bien entendu, de se placer eux-mêmes. Il y avait ainsi des ministères qui étaient un peu l’œuvre de tout le monde, et le secret de leurs combinaisons était le secret de la galerie. On ne peut point dire qu’il en soit tout-à-fait de même aujourd’hui. C’est à peine s’il avait été question d’un changement probable pendant le voyage de M. le président de la république en Alsace. On s’y attendait, on désignait même les nouveaux ministres, sans que cela eût, à vrai dire, le caractère d’une crise. Quant aux hommes qui entrent dans le conseil, ils sont de ceux au nom desquels le pays est accoutumé depuis 1848. M. Drouyn de Lhuys est depuis long-temps mêlé à la diplomatie et aux affaires internationales, qu’il a traitées successivement comme directeur des affaires commerciales, comme ministre, comme ambassadeur à Londres. M. Magne était spécialement désigné au ministère des travaux publics par un discours remarquable qu’il avait prononcé récemment au corps législatif, sur les chemins de fer, en qualité de président d’une section du conseil d’état. On a pu en même temps remarquer un décret qui donne entrée au conseil à M. Baroche. Sans méconnaître les changemens qui ont dû se produire dans la nature des prérogatives ministérielles, ces élémens nouveaux ne peuvent que venir fortifier dans le conseil une politique modérée et pacifique.

Tel serait en résumé l’ensemble des faits les plus récens, si, dans ce va-et-vient des choses contemporaines, il ne venait se mêler quelque incident presque tragique comme pour en rompre l’uniformité. La mort du maréchal Exelmans eût été toujours ressentie sans doute; elle est d’autant plus triste dans les conditions où elle a eu lieu. Le vieux maréchal avait conservé des habitudes de jeunesse qui lui ont coûté la vie. Une chute de cheval est venue achever obscurément sa carrière, par une coïncidence bizarre, presque aux mêmes lieux où il avait livré le dernier combat et gagné la dernière victoire de l’armée française sur l’armée prussienne en 1815. Le maréchal Exelmans avait été un de ces braves et impétueux soldats susceptibles de ces témérités qui sont souvent de l’héroïsme à la guerre. La fidélité qu’il avait conservée