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de la France. Quant à l’état intérieur de la Belgique, une crise ministérielle, comme on sait, s’est produite il y a quelques jours à Bruxelles. M. Leclercq, procureur-général à la cour de cassation, et M. Lebeau ont été successivement appelés par le roi; l’un et l’autre ont décliné la mission de reconstituer un cabinet; ils ont trouvé sans doute, et cela se conçoit, qu’il n’y avait rien d’engageant dans les conditions actuelles. Il en résulte que le maintien de l’ancien cabinet au pouvoir est ce qu’il y a de plus probable, pour le moment du moins, jusqu’à l’époque de la convocation des chambres; mais ces oscillations politiques sont aujourd’hui dominées par un fait supérieur, par une difficulté d’un autre ordre. Cette difficulté plus que jamais pressante, c’est la question des négociations avec la France au sujet du traité de commerce qui expire dans quelques jours. Ces négociations paraissent suspendues en ce moment : seront-elles définitivement rompues? seront-elles renouées comme il convient? Quant à nous, nous croyons que cette dernière pensée prévaudra; nous le croyons parce que c’est l’intérêt de la France et l’intérêt de la Belgique. Que les difficultés nouvelles que rencontre la conclusion de ce traité causent quelque émotion aujourd’hui chez nos voisins, cela est assez simple, bien des causes commerciales et politiques l’expliquent; mais il est une question que pourrait se poser le gouvernement belge : c’est s’il a toujours montré une parfaite habileté dans les négociations qu’il a suivies. Voici dix-huit mois déjà que ces négociations sont ouvertes; il a pu les conclure bien souvent, et sans doute même dans des conditions plus favorables pour lui ; il ne l’a pas fait; il a attendu la dernière heure, — et en ce moment encore à qui revient la responsabilité de la suspension des négociations? Nous savons bien ce qu’il y a de critique dans la situation du gouvernement belge, et nous ne sommes nullement disposés à l’aggraver; mais ce serait à lui aussi à ne point aggraver des difficultés déjà suffisantes. La pire des choses serait de mettre en jeu le sentiment national là où il n’a que faire, de couvrir une retraite diplomatique par un déploiement quelconque des susceptibilités populaires. Nous avons eu déjà plus d’une fois l’occasion de parler de ces tendances, de ces velléités très périlleuses qui semblent renaître aujourd’hui, et qui consistent à avoir l’air de se mettre en garde contre un danger imminent, à s’armer, à se fortifier et à faire peser sur l’esprit public le mystère redoutable des exigences de la France. Or, sans avoir la prétention de pénétrer mieux que d’autres les mystères, qu’on nous permette de dire ce que nous croyons être la vérité : les exigences de la France se réduisent tout simplement à deux choses, — une répression plus efficace de la contrebande et la suppression de la contrefaçon. Toutes les autres stipulations du traité de 1845 sont maintenues, ces deux seules conditions sont ajoutées. C’est sur ces bases qu’une convention provisoire allait être signée, lorsque les négociateurs belges ont refusé d’y adhérer, réclamant de nouveaux avantages sur les houilles. Telle est la réalité toute simple, et c’est parce que le gouvernement belge le sait mieux que nous qu’il nous est permis d’exprimer la pensée que les négociations seront prochainement reprises. Il serait un peu trop curieux de mettre tout un pays sur le qui vive pour défendre ces deux merveilleuses choses : la contrebande et la contrefaçon. La Belgique elle-même doit bien voir que dans tout cela il n’est nullement question de porter atteinte à sa nationalité