Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/632

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très aimé des Bretons; le tout se termine par une bruyante péroraison. Il suffirait d’entendre cette ouverture pour se convaincre que le jeune compositeur n’a pas encore suffisamment mûri les élémens de son style, et qu’il prend un peu de toutes les couleurs comme un homme qui cherche la langue qu’il doit parler. Le chœur d’introduction est traité avec vigueur. La romance pour voix de ténor que chante le marquis d’Orsigny, en déclarant son amour à la pauvre fille qu’il veut séduire, est très jolie et d’une mélodie tendre; il faut citer surtout la petite phrase qui en forme la cadence : — Le coin de terre où tu m’aimais. — Le principal motif du trio entre Marie, son ami Jean et le père Kérouan, est fort bien aussi, et l’ensemble du morceau produit de l’effet. On y remarque l’emploi trop fréquent d’une figure rhythmique qu’on appelle syncope, et dont M. Maillart semble affectionner les bondissemens. La fin de la légende que chante Marie, par la bouche de Mlle Lefèvre, avec l’accompagnement de quatre voix, est très agréable; mais le commencement de cette ballade rappelle un effet du second acte de Robert-le-Diable. Le chœur qui se chante derrière la coulisse est d’un bon effet, et vaut mieux que tout le finale du premier acte, trop décousu, trop rempli de petits effets qui se nuisent et qui déroutent l’attention.

La romance que chante Marie au second acte, lorsqu’elle arrive dans la maison du marquis d’Orsigny et qu’elle se sent attendrir à la vue d’un vase de fleurs qui lui rappellent son village, est tout-à-fait charmante. C’est une mélodie simple et naïve, que le musicien a dû puiser dans son propre cœur. Le duo entre le marquis et la pauvre Marie, qui lui exprime le bonheur d’être près de lui et de lui appartenir bientôt, est fort élégant, et l’accompagnement a de jolis détails d’instrumentation, où la syncope se fait encore trop sentir. Le trio entre le marquis, Marie et son ami d’enfance Jean est assez vigoureux, mais les chanteurs qui l’interprètent sont insuffisans à rendre l’énergie un peu fruste de ce morceau, conçu dans la manière italienne, et particulièrement dans celle de Donizetti. La première partie du finale du second acte est encore assez vigoureuse, et la romance qui s’y trouve encadrée et que chante le pêcheur Kérouan, en disant à sa fille, qu’il ne reconnaît pas : Garde ton voile et prends courage, est une mélodie tendre et pleine d’émotion. La stretta qui termine ce finale est d’un style un peu bruyant. Les deux voix de ténor qui s’en détachent à l’unisson, et qui mènent l’ensemble harmonique au pas de course, produisent un effet déjà connu, et que M. Maillart a heureusement imité.

Le troisième acte, qui est fort court, renferme un air de soprano que chante Marie de retour dans son village, et dont le récitatif a presque la pompe de style qui convient au grand opéra, puis une chanson de marinier avec accompagnement de chœur qui nous paraît être le morceau le plus original de la partition : la mélodie en est franche et colorée. Il y a donc, dans le nouvel ouvrage de M. Maillart, des parties assez remarquables, qui annoncent un véritable progrès dans le talent du jeune compositeur : au premier acte, une romance de ténor et un trio; la très jolie romance de soprano, le duo, le trio et le finale du second acte; l’air de soprano et la barcarolle pour voix de baryton du troisième acte. On ne saurait contester à M. Maillart du sentiment, l’entente de la scène, de la vigueur et une émotion île bon aloi. Ses idées, sans doute, ne sont pas toujours très originales, et de nombreuses réminiscences se mêlent souvent à ses propres inspirations. On s’aperçoit que