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mari, qui a quitté la cour pour la Westphalie, qui est icy dans une gaieté continuelle, qui fut ravie dernièrement de voir une comédie chez les jésuites (mais à la vérité c’estoit en bon latin), qui donne force audiences, qui s’entretient paisiblement avec M. Salvius, M. Vulteius, M. Lampadius[1], qui ne s’effraye plus d’un gros Hollandois qui la baise règlement deux fois par jour en toutes les visites qu’il lui fait, qui reçoit agréablement la civilité d’un autre ambassadeur qui lui conseille d’apprendre l’allemand pour se divertir, qui avec tout cela prend de l’embonpoint à Munster et a un visage de satisfaction… »

Voiture n’est pas en reste avec son ingénieux correspondant sur le compte de Mme de Longueville :

«… J’ai une grande impatience de voir ici le retour de Mme de Longueville, après la conclusion d’une bonne paix. Ce que vous me dites de cette princesse est en son genre aussi beau qu’elle, et je le garde pour lui montrer quelque jour… Dites le vrai, monseigneur : croyez-vous que l’on puisse trouver, je ne dis pas dans une seule personne, mais dans tout ce qu’il y a de beau et d’aimable répandu par le monde ; croyez-vous que l’on puisse trouver tant d’esprit, de grâces et de charmes qu’il y en a en cette princesse ? Soyez sur vos gardes. Elle écrit ici des merveilles de vous et de l’amitié qui est entre vous deux. Le commerce est dangereux avec elle. Je vous assure au reste qu’elle est aussi bonne qu’elle est belle, et qu’il n’y a point d’aine au monde ni plus haute ni mieux faite que la sienne… »

Un peu après, le 9 janvier 1647 :

«… Le respect m’a empêché jusqu’ici d’écrire à Mme de Longueville ; mais vous me faites bien plus peur d’elle en me la représentant si sérieuse et si politique. Nous avons ici plaisir à nous l’imaginer entretenant M. Lampadius (on m’a dit que d’ordinaire il est vêtu de satin violet). M. Vulteius et M. Salvius, et surtout ce gros Hollandois

Dulcia barbarè
Laedentem oscula quæ Venus
Quinta parte sui nectaris imbuit.

« Celui qui lui conseille d’apprendre l’allemand pour se divertir a bien fait rire Mme de Sablé et Mme de Montausier[2]… »

Mais le plus beau souvenir qui subsiste du passage de Mme de Longueville à Munster, c’est le portrait qu’en a fait Anselme van Hull, et qu’on peut voir gravé avec ceux de M. de Longueville, de d’Avaux et de Servien dans la belle collection des portraits de tous les princes et

  1. Jean Adler Salvius, un des plénipotentiaires suédois ; Jean Vulteius, un des envoyés du landgrave de Hesse-Cassel ; Jacques Lampadius, envoyé du duc de Lunebourg Grûbenhagen. Voyez le P. Bougeant.
  2. Voiture, t. Ier, p. 368, 369, 371, 374.