Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/723

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Europe et en Amérique. Depuis vingt ans, le luxe a fait des progrès extraordinaires parmi les peuples industrieux et commerçans. La richesse mobilière a pris des proportions inouies, particulièrement en France et en Angleterre. Quel ménage, si mince que soit son aisance, n’a pas une argenterie ? La dorure n’est plus réservée à la décoration des temples et des palais ; elle resplendit dans les ameublemens et sur les plus modestes lambris. Que sera-ce, si l’on parvient à donner quelque durée à la mode qui dore les vêtemens des femmes et qui multiplie les uniformes somptueux ?

Au total, la valeur commerciale de l’or et de l’argent semble dominer aujourd’hui et régler leur valeur monétaire : c’est le principe nouveau, le point qu’il ne faut pas perdre de vue, quand on veut apprécier l’influence qu’un accroissement ou un ralentissement de la production métallique peut exercer sur le prix comme sur le rapport des métaux précieux.

En négligeant les variations qui ont pu se déclarer, d’un siècle à l’autre, dans la production ainsi que dans l’importation de l’or et de l’argent, pour récapituler les quantités que l’Amérique a versées sur les marchés européens, en trois cent dix-huit années, depuis la découverte d’Hispaniola jusqu’à la révolution mexicaine, M. de Humboldt a évalué ces trésors, pour l’or à 2,381,600 kilogrammes, et pour l’argent à 110,362,222 kilogrammes. C’est une valeur totale d’environ 32 milliards de francs[1]. Le poids de l’or importé représente à peu près un quarante-septième de celui de l’argent. Il ne paraît pas probable que, durant ces trois siècles, la production de l’or dans les autres parties du monde ait modifié cette proportion d’une manière sensible. Si l’on admet qu’au moment où la révolution mexicaine a ralenti l’exploitation des mines d’argent, les monnaies répandues en Europe représentaient une valeur de 8 milliards de francs, dont 6 milliards en argent et 2 milliards en or, le rapport de poids sera encore de 47 à 1, et cependant le rapport monétaire, il y a trente ans, variait en Europe entre 1 : 14 5/10 et 1 : 15 75/100. Dans la valeur des métaux précieux, l’écart était ainsi trois fois moins considérable que dans leur poids.

Rien n’est plus difficile, en matière de monnaies, que de présenter des données numériques qui sortent du domaine conjectural et qui approchent de la certitude. Il semble que, l’or el l’argent servant de dénominateurs à toutes les valeurs de ce monde, on devrait tenir note avec le plus grand soin de tous les phénomènes qui en marquent la production et la circulation. Ce serait là sans contredit la statistique

  1. Il ne faut pas oublier que ces chiffres reposent en grande partie sur des données conjecturales. Mendoça et Ustaritz avaient évalué à près de 37 milliards l’or et l’argent importés.en Espagne jusqu’à l’année 1724, soit à 283 millions de francs par année.