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de 40 millions de dollars, en monnaya pour 32 millions (environ 171 millions de francs). En supposant que la plus grande partie de ces espèces aient été exportées vers les marchés européens, un pareil supplément n’eût l’ait, comme on voit, que rétablir l’équilibre de la circulation si profondément et si violemment troublé par les conséquences désastreuses de la récolte de 1846. Nous avions troqué notre or contre des grains ; on nous le rendait contre des vins, des soieries, des modes et des articles de Paris. Ce n’est donc point à un excès d’importation qu’il faut attribuer la perturbation monétaire de 1850. Les richesses de la Sibérie et de la Californie n’ont pu agir à cette époque que sur les imaginations ; on a pu s’en effrayer en perspective, mais on n’en a pas ressenti le contact. La cause réelle se trouve dans les mesures que prirent alors témérairement et à la hâte plusieurs gouvernemens. Pour s’assurer l’avenir, ils troublèrent le présent, et, voulant se mettre à l’abri de la dépréciation de l’or, ils la produisirent.

La crise de 1850, envisagée par ce côté, s’explique d’elle-même. D’une part, l’argent, que la circulation puisait annuellement sur le marché, lui manqua tout à coup pour recruter ses forces ; de l’autre, l’or, que plusieurs gouvernemens excluaient de la circulation, reflua sur les contrées qui admettaient encore ce métal comme valeur monétaire, et y amena un encombrement momentané. De là cette baisse de 4 pour 100 dans le prix de l’or et cette hausse de 4 pour 100 dans le prix de l’argent, qui représentaient ensemble un écart de 8 pour 100 entre les deux métaux par excellence.

L’explication que nous venons d’indiquer gagne en clarté et en précision quand on pénètre dans l’analyse des faits. Voyons d’abord ceux qui touchent à la rareté de l’argent. L’Angleterre, qui est le principal marché des métaux précieux en Europe, avait vu en 1850 l’importation se réduire d’environ 27 millions de francs. Ce déficit avait porté principalement sur l’argent. Les remises de l’Inde, qui représentaient annuellement près île 20 millions de francs, avaient presque complètement manqué ; celles de la Turquie et de l’Espagne avaient diminué, quoique dans une proportion plus faible. En même temps, il avait fallu envoyer un million sterling dans les Indes. Les remises faites à Saint-Pétersbourg par la maison Baring avaient enlevé 8 à 10 millions de francs en argent. L’Allemagne et la Hollande en avaient demandé plus qu’à l’ordinaire. La société maritime de Berlin avait importé de l’argent pour une valeur de 3 à 4 millions de thalers, en sorte que l’importation de ce métal en Angleterre ayant diminué de 1 million sterling en 1850 et l’exportation s’étant accrue probablement du double de cette somme, le niveau du réservoir métallique dut s’abaisser d’environ 75 millions de francs. Ajoutez que deux pays producteurs, l’Espagne et la Russie, prohibant l’exportation de l’argent, les échanges