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« Quand on porte Dieu, l’amour et la loyauté au fond de son cœur, on chante légèrement et gaiement, on chante comme l’oiseau envolé de sa cage, qui monte libre, libre, dans l’espace.

« Faites donc retentir vos luths au sein de la nuit profonde, chantez sans relâche, ô frères ! Les magnifiques rayons d’or, les rayons du soleil de l’avenir, c’est de votre cœur qu’ils jailliront. »

On voit de quelle généreuse ardeur M. Oscar de Redwitz a enflammé ceux qui le suivent. Malheureusement le poème de M. Hermann de Béquignolles ne répond pas à ces promesses trop confiantes. Ce poème est intitulé Blondel. Hilarion représentait la foi en la Providence ; Blondel est le symbole du dévouement. Cette fois, le jeune écrivain a emprunté son sujet à l’histoire, et il l’a fait avec une étrange maladresse. Le moyen-âge tel qu’il nous le dépeint est ce faux et prétentieux moyen-âge des romantiques allemands, où tout n’est que piété, douceur, mystiques extases, béatitudes du paradis terrestre. Que le ménestrel anglais, serviteur du roi Richard, soit célébré par le poète comme le héros de la fidélité, rien de mieux ; on comprendra moins aisément que Richard Cœur-de-Lion devienne un modèle de piété, que le sultan Saladin soit converti par Blondel, que sa fille Nurmahal entre au couvent et s’asseoie plus tard sur le trône d’Angleterre : toutes ces fantaisies sont au-dessous de la critique. Il y a, si l’on veut, une poésie distinguée dans les détails : les sentimens humbles et pieux qui avaient fait le succès de M. de Redwitz sont pour son imitateur une source d’inspirations heureuses ; mais, on le voit assez par cet exemple, le sentiment ne suffit pas pour animer un poème. Là où la pensée est absente, là où des aspirations vagues remplacent toujours les conceptions de l’esprit, il n’y a pas d’école qui puisse se promettre une influence durable.

M. Oscar de Redwitz, au milieu des hommages qui l’entourent, semble avoir compris lui-même combien il a encore de sérieuses conditions à remplir afin de donner une direction efficace au mouvement littéraire et moral qui s’est formé autour de son nom. Celui dont on a voulu faire un maître est allé se remettre à l’école. Son poème d’Amaranthe une fois publié au printemps de 1849, M. de Redwitz, après plusieurs voyages à Munich, où l’accueil le plus flatteur l’attendait, s’est établi à Bonn, et il y étudie sous M. Charles Simrock la poésie allemande du moyen-âge. C’est à Bonn qu’il a achevé la légende dont nous parlions tout à l’heure et mis la dernière main à son recueil de poésies. Il a quitté la Forêt-Noire pour cette docte université des bords du Rhin, où un maître habile, à la fois érudit et poète, popularise les vieux monumens épiques du génie allemand. M. Simrock connaît en philologue consommé toute cette littérature des XIIe et XIIIe siècles, si pleine de charmans trésors, et il sait la reproduire en artiste. Ses traductions