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Ferdinand l’étendard de l’insurrection contre une cause qu’ils déclaraient usurpatrice, ces hommes, à les entendre, ne violaient aucun serment. Tel fut, dès le début, le caractère des proclamations de Goergei à ses soldats, tel fut le sens du chiffre inscrit sur ses drapeaux F. V. (Ferdinand V). Quant aux troupes qu’il commandait, vous ne leur eussiez pas ôté de l’esprit qu’elles se battaient pour le roi, et je ne parle point seulement ici des régimens réguliers, mais même des bataillons de honveds, de tous leurs officiers du moins. Qu’un semblable parti n’eût point de répugnance à négocier avec l’Autriche, on le comprendra sans peine, car au fond il s’agissait pour lui beaucoup moins d’une question de vie et de mort entre l’Autriche et la Hongrie que de certaines concessions que la couronne royale de Hongrie réclamait de la couronne impériale d’Autriche.

Passons maintenant à la seconde fraction du parlement, aux hommes de l’indépendance nationale. Ceux-là voulaient une Hongrie indépendante, avec les antiques frontières et l’intégrité du territoire, un état nouveau prenant place au banquet des puissances de l’Europe. Après cela, monarchie ou république, il leur importait peu ; la grande affaire, c’était d’abord de secouer le joug détesté des Habsbourg, et d’asservir par le fer et le feu les nations slaves qui refuseraient d’accepter l’autocratie madgyare. Ensuite on verrait à se faire république ou monarchie, selon les circonstances, et selon que le vent soufflerait du nord ou du midi, république du Danube, si le principe républicain finissait par triompher, et, dans le cas contraire, monarchie élective. Salut, Kossuth, tu seras roi ! Glorieuse chimère bien souvent caressée peut-être aux heures d’ovation et d’omnipotence, qui s’évanouit pour jamais au jour où les baïonnettes autrichiennes, comme une autre forêt de Birnam, franchirent la Laylha !

Quant au troisième parti, la gauche, ce qu’il lui fallait à lui, ce n’était plus seulement l’indépendance et l’autonomie, mais bel et bien la république hongroise avec des institutions démocratiques. Cette coalition avait pour chef le jacobin Ladislas Madarass, ministre de la police sous le second ministère, le même qui, lors de la fameuse harangue que tint Kossuth du haut du balcon de la redoute de Pesth, voulait à toute force coiffer l’agitateur d’une toque à plume rouge, honneur dont le fougueux tribun sentit pourtant tout le ridicule et qu’il repoussa formellement. Ainsi que l’opinion royaliste était représentée dans l’armée par la plupart des généraux qui jadis avaient servi en qualité d’officiers sous le drapeau de l’Autriche, ainsi l’opinion démocratique comptait parmi les chefs militaires de nombreux adhérons. C’étaient d’abord les Maurice Perczel, les Kméty, les Guyon, puis toute la Pologne, les Bem, les Dembinski, les Woroniewski ; aux yeux de ces derniers, la guerre de territoire que soutenaient les Hongrois ne valait qu’en tant qu’elle