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doivent encore figurer dans la catégorie de l’histoire, si la dimension du cadre et la nature sérieuse du sujet donnent droit à cette distinction. M. Lucy, le narrateur de cette scène douloureuse, l’a rendue avec vérité comme drame et d’un pinceau qui sait imiter le réel, quoique lourdement. Sa page est de la même école que le Cromwell et autres morceaux historiques de M. Delaroche. Des deux côtés, même agrandissement sans motif du cadre, ce qui nous semble une erreur. Malgré la judicieuse vraisemblance des expressions, on est refroidi par l’air apprêté des accessoires et par la pauvreté de la couleur, toutes choses qui seraient moins sensibles dans de plus petites proportions.

Quelques jeunes peintres qui se sont fait remarquer au moins par leur singularité, mais qui sont comme une conséquence et un des signes les plus palpables du changement que subit l’école anglaise, appellent de nouveau notre attention de ce côté. Les transformations qui s’accomplissent dans l’art ne sont pas au nombre de ces brusques enfantemens qui portent en grosses lettres leur date et leur caractère. Une modification ne saurait se produire que là où il y a déjà quelque chose d’arrêté ; pour innover en peinture, il faut partir d’une base fixe, bien connue, et, par cette raison, les changemens sont lents et complexes. Tel peintre débute par introduire un trait plus étudié ; un autre tourne ensuite son attention vers les extrémités ; un troisième combine ces améliorations en y ajoutant celle du modelé, et de la sorte la transformation ne devient visible dans son entière portée que le jour où il s’est amassé une somme suffisante de modifications partielles. — Ainsi en a-t-il été et en est-il des nouvelles visées dont nous parlions : ce qui remue est le produit de plusieurs petits mouvemens venus de plus d’un côté, et maintenant la secousse se fait sentir un peu en tout sens. Il n’est presque pas un coin dans l’enceinte de l’Académie qui n’en accuse les traces et qui ne prouve aussi que l’impulsion, d’où qu’elle vînt, n’a pas rencontré des esprits inertes. Le petit bataillon sacré qui avait tenu bon en haut lieu à travers des assauts de tout genre y a puisé une nouvelle vigueur, et les vétérans même de la brosse ont été électrisés au point d’admettre ce que leur science n’avait pas même rêvé.

Poussé à toutes ses conséquences naturelles, le nouveau programme aboutirait à ceci : que c’est à la palette de se soumettre au porte-crayon, que la nature doit être recherchée dans toute sa simplicité, et qu’un dessin scrupuleux doit la suivre dans tous ses caprices de forme. — D’où il suivrait nécessairement que les réalités de la lumière et de l’ombre remplaceraient les effets d’un clair-obscur idéal, et que la couleur aurait à recevoir humblement la loi, après l’avoir faite si long-temps avec arrogance. Bien entendu, cette réforme a trouvé ses prosélytes les plus ardens parmi la jeunesse, et, comme cela arrive toujours, l’extrême qu’il s’agissait de corriger a provoqué un autre extrême. La réforme utile a été dépassée par la révolution. C’est en