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ardente curiosité; la propagation rapide et régulière de ces nouvelles devint un besoin public, surtout dans un pays comme l’Angleterre, placée à l’extrémité de l’Europe et isolée du continent par la mer. Il n’est donc pas surprenant que l’époque de la guerre de trente ans soit aussi celle de la naissance des journaux.

C’est en 1631 que parut le premier journal français, la Gazette de Théophraste Renaudot. On sait quelle est sur l’origine de la Gazette la tradition généralement admise. Que Renaudot ait ou non commencé par écrire des nouvelles à la main, il eut le premier en France l’idée de remplacer l’écriture par l’imprimerie. Richelieu, à qui Renaudot demanda l’autorisation de publier et de vendre ses nouvelles, s’empressa de l’accorder; il fit même de l’impression de la Gazette un privilège, ce qui garantissait Renaudot de toute concurrence, mais ce qui mettait aussi son journal dans la dépendance directe du gouvernement. Le premier numéro de la Gazette parut le 1er avril 1631, et ce recueil, rédigé après Renaudot par le fils de celui-ci, s’est continué sans interruption jusqu’à la révolution. Le succès de la Gazette fut immense. Le caractère officiel du recueil, l’exactitude et la variété de ses informations étaient autant de conditions de réussite. Paris et la province s’arrachèrent la Gazette, et il n’était hors de France aucun personnage considérable qui pût s’en passer. Le roi Louis XIII était un des lecteurs assidus de la Gazette, et on a même prétendu qu’il y avait écrit quelquefois. Par malheur, ce recueil, qui dut plusieurs années d’éclat à la protection de Richelieu et à la direction d’un homme d’esprit, demeura unique en France. La France, à qui nulle nation ne peut disputer l’honneur d’avoir créé les revues littéraires, n’a produit, avant la révolution, aucun journal politique; c’est une initiative qui devait appartenir à deux pays libres : la Hollande et l’Angleterre. Revenons à Nathaniel Butter.

Le pauvre Butter n’avait point de roi parmi ses lecteurs, point de ministre dans sa clientelle : il glanait péniblement et au jour le jour les maigres nouvelles dont il remplissait son petit carré de papier. Il les donnait toutes sèches, sans se permettre la moindre réflexion, se gardant de tout commentaire comme d’un délit qui aurait attiré sur lui les foudres de la chambre étoilée. Le vrai journal se faisait alors par correspondance. En Angleterre, comme sur le continent, les grands personnages avaient des correspondans, et cet usage y avait aussi introduit l’industrie des lettres-circulaires et des nouvelles à la main. Butter en avait long-temps vécu. La noblesse des comtés, qui venait rarement à la cour, n’avait guère d’autre moyen d’information que ces lettres-circulaires, et les établissemens publics, les cafés, qui commençaient à s’établir, avaient soin d’en recevoir quelqu’une, afin de se créer, par l’appât de la curiosité, une clientelle plus élevée. Il fallut un