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II.

Il serait inutile d’aller plus loin et de poursuivre en détail l’histoire de la presse périodique en Angleterre. A l’avènement de la maison de Hanovre, le véritable journal existait tel que nous le connaissons aujourd’hui, apportant régulièrement chaque matin au public son tribut d’articles politiques, de nouvelles de l’intérieur et de l’étranger, et d’annonces de toute sorte. Le timbre complétait la ressemblance. La seule différence sérieuse était dans l’organisation commerciale de la presse; les journaux n’étaient point encore des entreprises isolées, indépendantes de toute autre spéculation. Ainsi, en 1726, tous les journaux qui se publiaient à Londres appartenaient à des libraires, à l’exception du Craftsman, fondé avec l’argent de Bolingbroke. Il serait hors de propos de suivre dans leur existence éphémère des feuilles dont le nom même n’a pas survécu. Il suffira de glaner quelques faits dans le livre intéressant, mais malheureusement trop confus, que M. Knight Hunt, l’un des rédacteurs des Daily News de Londres, a consacré à l’histoire de la liberté de la presse et par conséquent à l’histoire des journaux dans son pays. Avec un peu plus d’ordre et de méthode, avec plus de sobriété dans les détails et un choix plus judicieux des faits, le livre de M. Knight Hunt aurait rendu ce travail superflu, mais l’auteur lui-même a de propos délibéré, et il a soin de nous en prévenir, réduit sa tâche à celle d’un collecteur de matériaux.

En 1746, l’auteur de Tom Jones, Fielding, à qui la rédaction d’un journal ministériel avait valu une place de juge de police, fonda le Covent-Garden Journal, et y introduisit une innovation qu’expliquent tout naturellement les fonctions du magistrat et le penchant du romancier pour les incidens dramatiques. Ce journal donna régulièrement l’analyse des séances des tribunaux correctionnels. Les autres journaux en firent autant; mais ils étendirent leur publicité à toutes les cours de justice, et aujourd’hui encore les comptes-rendus judiciaires publiés quotidiennement par les journaux de Londres contiennent plus de matière que notre Gazette des Tribunaux. Ce n’est guère que quinze ans plus tard qu’on vit paraître les premiers articles relatifs aux théâtres; encore se réduisirent-ils long-temps à l’annonce et à l’analyse des pièces nouvelles, sans commentaires, sans aucune appréciation du mérite des écrivains et du jeu des acteurs; c’est vers 1780 que le Morning Post imagina de publier régulièrement sur les pièces de théâtre de véritables articles critiques. Les Lettres de Junius tiennent ni trop de place dans l’histoire littéraire et politique de nos voisins pour n’être pas mentionnées ici. Ces lettres fameuses, qui remuèrent toute l’Angleterre, parurent dans le Public Advertiser du 28 avril 1767 au