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signale l’évêque Voronicz, auteur des deux poèmes : la Diète de Vislitsa et le Temple de la sibylle, nom que les maîtres de Pulavy avaient donné à un musée situé dans leur parc, et qui renfermait la plus riche collection d’antiquités nationales. Le roi Stanislas-Auguste lui-même, malgré la catastrophe du démembrement dont il est regardé comme l’auteur, voulait régénérer son peuple : il secondait de tous ses efforts les écrivains nationaux de la fin du dernier siècle, en tête desquels se sont illustrés deux évêques, Naruszevicz et Krasicki. Naruszevicz a écrit une magnifique Histoire de Pologne que malheureusement il n’a pu mener jusqu’au bout. Il a laissé aussi une traduction de Tacite, qui est un véritable chef-d’œuvre. Krasicki a laissé des fables, des satires, des comédies et des poèmes héroïques; il a réussi dans tous les genres. Ses deux poèmes, la Guerre des Moines et la Guerre des Souris, où il ridiculise les travers nationaux, sont pleins d’une verve satirique dont le charme ne saurait vieillir. En le lisant, on sent que l’invasion russe approche. Krasicki, par l’allure de son talent, par le caractère souvent moscovite de ses inspirations, semble préparer à son insu l’incorporation.

En même temps, un génie plus sérieux, Stanislas Konarski, réformait les écoles dans toute l’étendue de la Pologne. Sans les séculariser, puisque lui-même était un saint prêtre, il les élevait à la hauteur philosophique et libérale réclamée par l’esprit de l’époque. Des écoles ainsi réformées sortit cette génération d’hommes éclairés d’une si belle et si patriotique lumière qui formèrent, de 1788 à 1792, la fameuse diète constituante d’où émana la charte du 3 mai. L’éloquence parlementaire, quoique familière depuis des siècles aux polonais, atteignit alors au plus haut point de perfection. La langue s’enrichit d’idées et d’expressions nouvelles, et le style fit des progrès étonnans. Au premier rang des orateurs de cette diète immortelle de 1788 se signalèrent le prince Czartoryski, Sapieha, Niemcevicz, Linovski, Matuszevicz, et surtout les deux Potocki. Ignace et Stanislas. Ces deux illustres frères résument dans leurs œuvres tout le mouvement intellectuel de leur temps. Unissant la simplicité d’un enfant à la sublimité du génie et à l’abnégation du martyr, Ignace Potocki, maréchal de Lithuanie, électrisait la diète par la dignité romaine et l’énergie stoïque de ses discours. Dédaigneux de ce qui brille, trop dévoué au bien public pour être ambitieux, bien qu’il ait laissé d’importans et nombreux ouvrages, il n’obtint qu’après sa mort une gloire trop méritée. Son frère Stanislas, plus soigneux de sa propre renommée, est resté plus célèbre. Auteur d’une foule d’écrits sur l’histoire, la littérature et les antiquités de sa patrie et des autres pays slaves, observateur d’un tact infini au milieu de ses continuels voyages à travers toute l’Europe, il a imprimé à la littérature de son pays un caractère plus cosmopolite, mais en