politique américaine, dans cette affaire, semble avoir pris pour tactique la
taquinerie. Les moyens qu’ils emploient pour engager la lutte ressemblent
assez aux moyens qu’emploient dans les cirques espagnols les toréadors. Les
Américains agitent, pour ainsi dire, des drapeaux sous le nez du gouvernement
de Cuba ; prompts à esquiver les coups comme à se mettre en sûreté
et comptant bien sur la fougue du tempérament espagnol, ils harcèlent, piquent,
irritent tant qu’ils peuvent les autorités de l’île. Ils ont mis en avant
les créoles cubains qui habitent l’Union, leur ont fait rédiger des appels à
la liberté et des proclamations révolutionnaires. L’anniversaire de la mort
de Lopez a été encore une nouvelle occasion de taquineries ; des messes des
morts ont été chantées dans les églises catholiques pour le repos de l’ame
de Lopez et de ses compagnons ; des prêches ont été, prononcés dans les temples
protestans ; les francs-maçons ont fait des processions en plein jour, et
dans toutes les grandes villes des meetings se sont tenus le soir à la lueur
des torches, au milieu des bannières déployées, où l’expédition de Cuba a été
prêchée par de patriotiques orateurs comme une guerre sainte. Le gouvernement
espagnol a naturellement perdu patience. L’ile a été surveillée, des
créoles suspects emprisonnés, plusieurs journaux supprimés, et même un
certain Facciolo, rédacteur de la Voz del Pueblo, condamné à mort et garrotté.
Alors les deux nations se sont trouvées en présence et se sont menacées du
regard. Une barque américaine, la Cornelia, a été visitée et fouilla par ordre
de l’autorité espagnole. Un autre vaisseau, le Crescent City, s’est vu refuser
l’autorisation d’entrer dans le port de la Havane, et le capitaine du vaisseau
s’est retiré après avoir protesté. Les efforts faits pour donner à cette affaire,
qui dure depuis plus d’un mois, une solution pacifique sont restés sans résultat.
Le gouvernement espagnol, se relâchant un peu de sa première
rigueur, a permis au Crescent City d’entrer dans le port et de débarquer ses
passagers, mais en maintenant son interdiction pour la personne du capitaine
même du vaisseau. En même temps il a formellement annoncé son
intention d’interdire l’entrée du port à tout vaisseau américain qui aurait à
bord un certain M. Smith, caissier du Crescent City et suspect aux autorités
espagnoles. Qu’ont fait les Américains ? Ils ont commencé par donner des
fêtes à cet inconnu, qui est devenu tout à coup un personnage important, et
puis ils l’ont placé à bord du Cherokee, qui se dirige sur la Havane. Si, comme
cela est probable, le gouverneur-général de Cuba maintient son interdiction,
nous aurons une nouvelle édition de l’affaire du Crescent City considérablement
augmentée cette fois par suite des passions et des colères qui, de part
et d’autre, vont croissant. Voilà où en sont les faits à l’heure qu’il est. L’Europe
laissera-t-elle s’engager une querelle qui peut devenir désastreuse et
sanglante, et n’a-t-elle rien à perdre à l’affaiblissement de l’Espagne ? Que
les gouvernemens songent bien qu’aujourd’hui l’affaiblissement d’une puissance
quelconque entraîne en même temps l’affaiblissement du continent européen tout entier.
c. de mazade.
Nous sommes en pleine saison musicale ; Les théâtres, les concerts, les sociétés philharmoniques de toute nature se préparent à livrer au public ce