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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

quelques taxes sur le verre, le papier, le thé, qui, d’après son propre calcul, ne devaient pas produire plus de 40,000 livres sterling. Le gouvernement, n’osant pas se défaire de Townshend, fut obligé de le suivre dans son incartade. À la nouvelle de la création de ces impôts, l’Amérique prit feu ; quand on voulut les lever, elle s’insurgea ; quand on voulut réprimer l’insurrection par les armes, elle proclama son indépendance ; mais Charles Townshend, qui mourut peu de temps après, ne vit pas les suites de sa folle imprudence.

Au moment où Chatham donnait sa démission et où le duc de Grafton prenait le titre de premier ministre, l’agitation de Wilkes recommença. Aux élections générales de 1768, Wilkes fut nommé représentant du comté où se trouve Londres, le Middlesex. George III, comme le prouve une lettre de lui à lord North, qui succéda à Charles Townshend à la chancellerie de l’échiquier, fit de l’expulsion de Wilkes une question d’honneur personnel. Cette expulsion, proposée par le ministère, fut prononcée par la chambre des communes. Quatre fois le comté de Middlesex élut Wilkes, trois fois la chambre des communes, excitée par le gouvernement, annula l’élection ; la quatrième fois, se substituant aux électeurs, elle prononça l’admission du concurrent de Wilkes, qui n’avait réuni qu’un nombre insignifiant de suffrages. Alors on vit se lever un ouragan d’opposition. Tous les hommes éminens du parlement, depuis lord Chatham jusqu’à lord Rockingham dans la chambre des lords, depuis Burke jusqu’à Grenville lui-même dans la chambre des communes, défendirent la constitution violée dans la souveraineté électorale. Le ministère du duc de Grafton fut emporté par cette tempête. Le roi et la majorité de la chambre des communes, dominée par l’influence de la couronne, tinrent bon ; mais, par un curieux contre-coup, l’action et le triomphe de la politique personnelle du roi, en cette circonstance, devaient ouvrir dans la vie politique de l’Angleterre un champ nouveau à l’élément démocratique. Jusqu’à cette époque, la démocratie n’avait guère figuré dans le jeu de la constitution anglaise par une action directe et des procédés distincts. La vie politique se partageait entre la couronne et l’aristocratie. L’intervention du peuple dans les élections était faussée par les bourgs pourris. Les débats du parlement, dont la publication était interdite, arrivaient à l’opinion publique sous une forme allégorique, à de rares intervalles, et demeuraient sans influence. L’excitation communiquée aux esprits par l’agitation de Wilkes changea les choses. Les journaux, écrits avec une passion et un talent dont les Lettres de Junius sont un monument impérissable, acquirent plus de puissance ; ils commencèrent à imprimer plus hardiment et plus complètement les débats des chambres et établirent ainsi plus efficacement que par une extension de suffrage électoral le contrôle du public sur le parlement.