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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/338

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REVUE DES DEUX MONDES.

à chercher fortune. » L’électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, qui soutenait les Pays-Bas au nom du roi d’Espagne, était aussi des amis du jeune comte, qui disait de lui quelque part : « Mgr l’électeur me fait fort souvent la guerre sur ma méchante humeur ; il se doute bien que je l’ai apportée de Hanovre, quoiqu’il en ignore la cause. » Mais ce qui ressort surtout des lettres de Kœnigsmark à cette époque, c’est son intime liaison avec le duc de Saxe Frédéric-Auguste. Ce prince, tant célèbre dans les fastes du plaisir et de la galanterie, et qui devait plus tard adorer la sœur, se sentait, dès cette période, entraîné par un secret instinct vers le frère. Avec Frédéric-Guillaume et Philippe de Kœnigsmark commença cette vie d’amusemens et de fêtes qui devait atteindre bientôt son apogée sous le règne de la gracieuse Aurore. À l’illustre faveur dans laquelle était le frère en ce moment, la sœur devait avant peu succéder, et Philippe régnait à la cour de Saxe en attendant que vînt le tour d’Aurore. C’était alors Mlle de Kessel, depuis comtesse de Hauchwitz, qui possédait le cœur de l’électeur. Les parties de campagne, les spectacles et les concerts se multipliaient en l’honneur de l’aimable déesse. Les journées se passaient en cavalcades, en goûters sur l’herbe, les nuits en petits soupers. De tous ces divertissemens, de tous ces galas, de toutes ces réunions intimes, Philippe de Kœnigsmark était l’ame. Point de plaisir sans lui, point de distraction, point de causerie. Or les belles dames de la cour de Dresde raffolaient de causerie, et M. de Kœnigsmark avait tant d’esprit, de verve, de piquant ! Si plaisantes étaient ses anecdotes, lorsque, pour égayer la fin d’un souper, la flamme à l’œil, la bouche rose, pimpant, jaseur, un peu leste et débraillé, il se mettait à raconter les péchés mignons de la cour de Hanovre et comment cette fameuse comtesse Platen, qui déjà préparait l’œuvre ténébreuse de sa mort, se comportait en galanterie ! Détails scabreux, qui en doute ? et qu’une fille d’opéra n’oserait désormais entendre, mais que les belles dames d’alors écoutaient le plus simplement du monde et sans se voiler de l’éventail.

Assez sur le frère. Abordons maintenant la sœur.


II.

Aurore de Kœnigsmark est une des plus intéressantes apparitions que le XVIIIe siècle ait produites : d’une beauté délicieuse, d’un caractère enjoué, d’une irrésistible bonté d’ame, elle avait un de ces esprits élevés, honnêtes, délicats, dont le charme, digne d’être goûté en tous temps, se fait surtout sentir au lendemain de ces terribles commotions où la civilisation a couru le risque de périr au milieu des tourmentes sociales. Cette jeune femme, en quelque lieu et quelque période que le destin l’eût mise, méritait d’attirer les regards ; mais,