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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/552

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des parfums et des chants; Marianne donne une fête, et elle laisse croire à tous qu’elle célèbre la mort d’Hérode. Quelle émotion sous le calme apparent de son pâle visage! Quel feu sombre dans ses regards! Comme elle danse avec Soémus! — « Ces femmes juives sont vraiment d’effrayantes créatures! s’écrie Titus, le capitaine des gardes : l’une tranche la tête à l’homme qu’elle a enivré de sa beauté, l’autre danse sur le tombeau à peine fermé de son époux, afin de fléchir le vainqueur du monde! » Tous sont persuadés, en effet, que Marianne se livre à une joie triomphante; si Hérode revient, son châtiment sera complet. Le voici! Arrivé trop tard sur le champ de bataille, il est allé féliciter Octave, qui le maintient sur son trône; il revient plus puissant que jamais et résolu à noyer dans le sang tous les rebelles. Mais pourquoi cette fête? pourquoi ces danses et ces lumières? Il sait bientôt la vérité, et Marianne elle-même ne la dissimule pas : Marianne fêtait sa mort. Le grand-sanhédrin se rassemble par ordre du roi, et la reine est condamnée à subir le dernier supplice. Avant de mourir, elle demande la grâce de s’entretenir avec Titus, et elle lui ouvre le fond de son ame : elle aimait Hérode. elle l’aime encore, elle se serait tuée s’il eût péri; mais Hérode n’a pas cru à son amour, Hérode l’a outragée par sa défiance, et c’est pour le châtier qu’elle a redoublé sa jalousie. Qu’importe le trépas à Marianne? Elle ne voulait pas survivre à Hérode; Hérode n’est-il pas mort pour elle, puisqu’il doute de son amour? — À ces subtilités d’un cœur véhément, à ces emportemens raffinés de la passion, Titus oppose d’une façon très judicieuse le raisonnement que chacun doit se faire en voyant représenter de telles scènes : pourquoi vous taire, Marianne? Un seul mot expliquerait tout. — « Me disculper! reprend l’inflexible amante; non, ce n’est pas à moi de descendre; c’est à lui de vaincre le démon qui avilit son ame. Tout est fini d’ailleurs, il y a long-temps que je suis morte. Hier, dans les salles du festin, c’était un fantôme, Titus, qui dansait devant vous. Il y aurait bien un moyen de me faire revivre. Si malgré mon silence il croyait en moi, s’il triomphait de ses soupçons, s’il niait toutes les apparences qui m’accablent et que j’ai rendues accablantes moi-même pour que l’épreuve fût décisive, alors, oui, je revivrais aussitôt. Je ne l’espère plus toutefois. Je mourrai, mais après ma mort il saura que je l’aimais et que j’avais juré de ne pas lui survivre, il le saura et il sera désespéré. »

Ici, le poète a placé avec art un épisode d’un grand effet. Au moment où la sentence portée contre Marianne va être exécutée, trois rois étrangers se présentent dans le palais d’Hérode et viennent le féliciter de son bonheur. N’est-ce pas à lui qu’un fils vient de naître, un fils que les plus hautes destinées couronneront? — Il ne m’est pas né de fils, répond Hérode, et ma femme meurt en ce moment même. — Ce n’est donc pas ici, disent les pèlerins, nous nous sommes trompés,