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négociations de Paris qu’il ne l’avait été au congrès de Vienne. Les traités de 1815 furent conclus, traités bien humilians pour nous et justement odieux, traités généreux toutefois si on les compare aux impitoyables exigences des Blücher et des Stein.

C’est aux événemens de 1815 que s’arrête la biographie de M. de Stein. Là en effet se termine le rôle actif de ce puissant personnage; les seize dernières années de sa vie s’écoulèrent dans la retraite. Jouissant enfin d’un repos chèrement acheté, entouré des soins de sa famille, il consacrait ses loisirs à l’étude de la primitive Allemagne. Cette grandeur qu’il avait rêvée pour son pays, il la cherchait comme une consolation au fond des siècles disparus, et il avait besoin de cette consolation assurément : à mesure que ses passions s’éteignaient et que la réalité se dévoilait à ses yeux, il devait comprendre que de fautes il avait commises; il a eu tout le temps devoir les conséquences désastreuses de sa politique et l’anéantissement presque complet de l’œuvre qu’il avait cru édifier. Ses admirateurs l’ont comparé à Pitt en le félicitant d’avoir été plus heureux que cet autre adversaire infatigable de la révolution et de l’empire. De telles félicitations sont étranges. Pitt est mort en 1806, désespéré de son impuissance et laissant debout dans toute sa force la menaçante fortune de l’empereur. M. de Stein a pu assister à la chute de celui que poursuivait sa haine; mais sa patrie n’a pas profité de la victoire : les catastrophes de 1814 et de 1815, en relevant d’abord l’orgueil de l’Allemagne, lui ont été bientôt presque aussi funestes qu’à nous-mêmes, et il est impossible de ne pas attribuer ces résultats à la politique violente et maladroite de l’homme qui sacrifia tout à la vengeance. Le respectueux biographe, le panégyriste enthousiaste du ministre prussien, M. Pertz, porte sans le vouloir le même jugement, lorsqu’il termine son étude par ces tristes paroles : « L’Allemagne ne doit pas plus compter sur l’Angleterre que sur la Russie ou la France; son espoir n’est qu’en elle-même. Le jour où aucun Allemand ne servira plus sous une bannière étrangère, le jour où toutes les petites passions, où toutes les considérations secondaires s’effaceront devant le sentiment national, le jour où une volonté ferme, appuyée sur l’unanime accord des peuples germaniques, conduira nos destinées, ce jour-là seulement l’Allemagne, comme aux grands jours de sa gloire passée, redeviendra puissante et fière et sera redoutée en Europe. Jusque-là, il faut savoir souffrir et se taire. »

Cette conclusion de l’historien est la condamnation de son héros. Personne n’a plus contribué que M. le baron de Stein à la situation qui justifie de telles plaintes; son patriotisme aveugle a livré l’Allemagne à la Russie. Deux forces opposées se disputaient la plus vivace des monarchies allemandes, deux influences voulaient attirer la Prusse dans leur orbite; d’un côté était la Russie, la France de l’autre. La