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affaires étrangères sous l’administration de ce dernier et de son successeur Tyler. C’est alors que, des quereller s’étant élevées entre l’Angleterre et les États-Unis, il signa le traité relatif aux frontières du Canada avec lord Ashburton, dont il resta toujours l’ami. Les démocrates ayant triomphé avec M. Polk, la politique qui domine aujourd’hui commença à poindre. M. Webster vit très bien dès-lors que l’ancienne politique se mourait, et il prit une sorte de moyen terme entre les deux politiques. C’est ce moyen terme qu’il s’est efforcé de faire prévaloir jusqu’à ces derniers temps ; ainsi il désapprouvait la guerre du Mexique, mais il s’abstint de toute opposition véhémente. Il cédait plus facilement que M. Clay à l’esprit de son temps, et il était un peu de ces hommes politiques qui, bien que très modérés, croient qu’il faut pourtant donner satisfaction à l’opinion publique, même lorsqu’elle réclame des actes injustes. Après l’élection du général Taylor et le triomphe de son parti, il a soutenu le compromis d’Henri Clay, et son discours du 7 mars 1850 sur cette question est resté célèbre. Secrétaire d’état depuis l’administration de M. Fillmore, la mort l’a trouvé à son poste, et l’a frappé s’employant encore au service de sa patrie. La mort de M. Webster ne change rien à la question de la présidence : M. Franklin Pierce sera nommé, et le triomphe du parti démocratique va donner une solution à toutes les questions pendantes aujourd’hui, solution violente et peut-être sanglante, nous le craignons,

ch. de mazade.


REVUE MUSICALE.

On vient de reprendre à l’Opéra le Moïse de Rossini. L’administration a fait de louables efforts pour donner à la réapparition d’un chef-d’œuvre de son répertoire l’éclat d’une solennité. Il serait à désirer que des partitions comme Moïse, comme la Vestale de Spontini, comme l’Œdipe à Colone de Sacchini, la Didon de Piccinni, comme l’Armide et l’Iphigénie en Tauride de Gluck, ne fussent jamais reléguées dans les archives de l’histoire, et qu’on pût les entendre de temps en temps sur la scène de l’Opéra. Non-seulement l’administration y trouverait son bénéfice, nous en sommes bien convaincu, mais les jeunes compositeurs et le public éclairé, qui est plus nombreux qu’on ne pense, viendraient y puiser une idée plus nette des phases diverses qui composent la tradition de l’école française. L’horizon qui s’ouvrirait par ces représentations solennelles, qu’on pourrait faire annoncer quinze ou vingt jours à l’avance, attirerait à Paris un grand nombre de dilettanti distingués, perfectionnerait le goût de la génération présente, et rendrait plus difficile le triomphe des œuvres éphémères. Qu’on y songe, ce n’est point un idéal de poète ou de critique que nous proposons pour but à l’activité de l’administration de l’Opéra, mais une idée pratique et féconde en bons résultats.

L’opéra de Moïse, qui a tous les caractères d’un véritable oratorio, puisque la lutte des sentimens s’y trouve subordonnée à l’antagonisme des idées religieuses, est un remaniement, une transformation de l’opéra italien Mosé in Egitto, qui fut composé et représenté, sur le grand théâtre de Saint-Charles à Naples, en 1818. Rossini avait alors vingt-six ans, et, après avoir épanché la verve impétueuse, la gaieté folle et les mélodies faciles de son admirable génie, il sentit le besoin de se recueillir, de mettre plus de sérieux et de ma-