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en rapport immédiat avec les propriétaires, quand il n’est pas propriétaire lui-même. Sa fonction est de régler chaque jour la composition du journal, de décider des matières qui seront traitées et de désigner les écrivains qui les traiteront, de revoir les articles politiques, rarement d’écrire lui-même. Le traitement d’un éditeur varie de 25 à 40,000 francs, selon l’importance et les ressources des journaux. Au second rang vient le sous-éditeur, qui est chargé de tous les détails, qui lit et dépouille les journaux de la capitale et de la province, qui fait pour le gros du journal ce que fait l’éditeur pour les articles politiques, c’est-à-dire qui revoit la copie, la corrige, l’abrège, s’il y a lieu, et la classe. Dans plusieurs journaux, cette tâche laborieuse est partagée entre deux personnes. Un rédacteur spécial, sous le titre de sous-éditeur étranger, est chargé de parcourir et d’extraire les journaux étrangers, de lire et de réviser les dépêches des correspondans, et de les classer par ordre d’importance en élaguant tout ce qui est dépourvu d’intérêt. Le traitement du sous-éditeur varie de 12 à 15,000 francs. C’est là l’état-major du journal; mais l’éditeur seul connaît les écrivains auxquels il demande les articles politiques, leur nom n’est jamais prononcé dans les bureaux ni écrit sur les livres, ils sont rétribués à tant par article, et la dépense de ce seul chapitre ne peut s’évaluer à moins de 40 à 50,000 fr. Par an. Les comptes-rendus des deux chambres exigent un chef de la sténographie à 12,000 francs, et quinze sténographes à 8,000. Les comptes-rendus des douze ou quinze juridictions de l’Angleterre, confiés d’ordinaire à autant d’avocats, coûtent un millier de francs par semaine, hormis pendant les vacances des cours. Il y a encore les assises de province et les quinze tribunaux de simple police. Quelques journaux y attachent des rédacteurs spéciaux; d’autres se contentent de ce qui leur est apporté par les coureurs de nouvelles à deux sous la ligne. On voit que la partie judiciaire du journal exige à elle seule toute une armée. La plupart des jurisconsultes célèbres de l’Angleterre ont commencé par être attachés comme rédacteurs à l’un des grands journaux. Le dernier rédacteur important que nous rencontrions est le rédacteur de la Bourse, qui a au moins 10,000 francs de traitement. Deux rédacteurs spéciaux sont en outre attachés aux deux grands marchés de Mark-Lane et de Mincing-Lane, et une petite dépense est aussi nécessaire pour se procurer exactement et de bonne heure les relevés des marchés secondaires, c’est-à-dire des marchés aux bestiaux, aux fourrages, à la viande, au poisson, aux légumes, au charbon. Mentionnons en dernier lieu les rédacteurs tout à fait subalternes qui sont chargés des théâtres, des concerts, des courses et des expositions artistiques.

Cette liste formidable du personnel, et par conséquent des dépenses d’un journal, est loin d’être épuisée, car nous n’avons pas dit encore un mot des correspondances. La malle de l’Inde a été une des plus lourdes charges des journaux anglais, à qui elle a coûté jusqu’à 250,000 francs par an. Il y a quelques années, le Times, outre un traitement annuel de 2,500 francs, donnait plus de 2,000 francs par voyage à un courrier, à la condition de faire en soixante-seize heures le trajet de Marseille à Calais, et d’apporter ainsi, avec quelques heures d’avance sur la poste, un sommaire en dix lignes de la malle de l’Inde. Cette dépense se renouvelait tous les mois, et s’ajoutait à toutes celles qu’entraînait le courrier ordinaire. L’achèvement des chemins de fer