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n’avait point frappé nos oreilles, soyons modestes en présence d’une catastrophe que les uns n’ont pu prévenir, et que les autres ont peut-être provoquée sans la vouloir, et puissions-nous nous entendre du moins pour faire prévaloir en commun le seul intérêt qui survive aux révolutions, celui de la vérité dans l’histoire !

De quelles circonstances impérieuses est sortie la révolution de juillet, comment est-elle parvenue à conquérir sa liberté d’action, et quel a été son véritable caractère ? — Quel jugement faut-il porter au point de vue des intérêts permanens de la France sur les principales transactions politiques intervenues de 1830 à 1848 ? — Dans quelles régions s’est formée la tempête sous laquelle a sombré cette monarchie au moment où, voguant avec le plus de confiance, elle paraissait avoir doublé tous les écueils ? – A ces trois questions correspondront les trois parties de ce travail.


I

Le gouvernement de la restauration avait honorablement vécu durant quinze années par une transaction habilement ménagée entre son propre principe et le principe contraire. Du moment que, par la fatalité des événemens et la témérité des hommes, le pouvoir constituant et la souveraineté parlementaire se trouvaient conduits à se heurter, et qu’une lutte était substituée à un compromis, l’imminence d’une révolution était manifeste. Celle-ci pouvait s’opérer sans doute, ou par une insurrection soudaine dans Paris, ou par un système de résistance organisé dans les départemens ; les ordonnances de juillet pouvaient venir expirer en trois jours devant les barricades, ou en trois mois sous les refus d’impôt et les arrêts des cours de justice ; mais, pour aucun esprit sérieux, l’illusion n’était possible sur le résultat définitif : il n’était donné à la pensée politique qui avait inspiré ces actes ni de vaincre ni même de prolonger longtemps le combat.

Assurée que l’opposition était d’avance de sa victoire, lui aurait-il été donné d’ouvrir à la crise un cours moins violent et plus régulier ? Commencée au nom du droit constitutionnel violé par le pouvoir, la résistance aurait-elle pu s’arrêter à son tour à la limite de ce droit même, et la France était-elle en juillet 1830 en mesure de donner au monde le grand exemple d’un peuple soulevé pour défendre ses lois, et s’arrêtant, par respect pour ces lois elles-mêmes, devant un berceau ? Enfin la question dynastique aurait-elle pu rester en dehors du conflit si malheureusement engagé ? — Je ne le crois point, et j’alléguerai bientôt les motifs de mes doutes ; mais, ce que je n’hésite point à affirmer, c’est que, si des circonstances plus impérieuses