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d’annonces ou advertisements. C’est un chiffre considérable et fort supérieur au nombre des annonces françaises, mais ce n’est guère que le cinquième des annonces publiées aux États-Unis, et qu’on ne saurait évaluer à moins de dix millions par an. Sur ces deux millions d’annonces, la presse de Londres peut en revendiquer 900,000, dont le tiers à peu près appartient au Times. En effet, le droit attribué au trésor étant de 1 franc 80 centimes, les 500,000 fr. Payés par le Times en 1830 représentent, en nombres ronds, 275,000 annonces, et à ne prendre que 10 francs pour prix moyen de chacune, on trouve encore que les recettes du Times, de ce seul chapitre, ont dû s’élever à près de 3 millions. L’année 1843, tous frais payés, y compris l’intérêt du capital, a donné au Times 750,000 francs de bénéfices nets; nous avons expliqué pourquoi ces bénéfices ont dû diminuer plutôt que s’accroître avec le développement excessif qu’a pris la circulation de ce journal.

La vente des exemplaires est la seconde source du revenu des journaux. Nous disons la vente, parce que l’abonnement n’est point entré dans les habitudes anglaises. C’est une dernière trace de la condition première des journaux, qui étaient faits pour être criés et vendus dans la rue. Plus d’un Anglais répugne à l’idée de s’astreindre à recevoir toujours le même journal, et à s’interdire de prendre au jour le jour la feuille qui se trouvera la mieux renseignée ou la plus intéressante. Joignez-y l’instabilité d’une partie de la population, sans cesse en voyage, et que le journal ne peut suivre dans toutes ses pérégrinations. En France, les abonnés sont servis directement par l’administration de chaque journal ; en Angleterre, le public est obligé de s’adresser à un intermédiaire, le courtier ou vendeur de nouvelles (news vendor). Le Daily News, à sa naissance, a essayé d’introduire le système de l’abonnement, en accordant aux personnes qui s’adressaient directement au journal une légère remise ; mais cette tentative n’a point eu de résultat assez satisfaisant pour engager à y persévérer. Chaque administration renvoie à quelqu’un des courtiers toutes les demandes qui lui arrivent directement. Ce système a ses avantages et ses inconvéniens. Le public, habitué à ne traiter qu’avec les courtiers, peut subir dans une certaine mesure leur influence, et le journal peut être rendu responsable d’exigences, d’irrégularités ou d’exactions qui ne sont pas de son fait. En outre, le journal ne connaît jamais le chiffre exact de sa clientèle, et ne peut asseoir sur elle des calculs certains. Il vit un peu au jour le jour, exposé à tirer un trop grand nombre d’exemplaires et à perdre timbre et papier, ou à ne faire qu’un tirage insuffisant un jour où la vente dans les rues et aux stations des chemins de fer aura pris un développement inaccoutumé; mais d’un autre côté l’intervention des courtiers dispense les journaux de frais de bureaux onéreux, simplifie considérablement leur comptabilité, et les garantit contre les non-valeurs. L’abonnement, qui, en France, se paie d’avance, ne s’acquitte en Angleterre qu’à l’expiration du trimestre, et le courtier est responsable vis-à-vis du journal, avec lequel il règle d’ailleurs chaque jour ou plutôt chaque semaine. Les maîtres de postes faisaient autrefois l’office de courtiers, et la législation leur assurait même certains privilèges : leurs journaux étaient reçus, par exemple, jusqu’à la limite du départ. Les chemins de fer ont mis toute cette industrie de la commission entre les mains d’un certain nombre de maisons dont quelques-unes sont fort