point Elipou. Le pauvre vieillard fut mandé à Pékin pour y rendre compte de sa conduite; pendant trois jours, il attendit à genoux, à la porte du palais impérial, la faveur d’une audience. Jugé comme Kichen, il fut condamné à la déportation sur les rives du fleuve Amoor, où l’on exile les criminels de la plus vile espèce. Second exemple de la grandeur et de la décadence des mandarins !
Kichen avait été remplacé à Canton par un triumvirat de généraux ayant à sa tête Yhshan, parent de l’empereur. Les Anglais remontèrent le Chou-kiang et mirent le siège devant la ville (mai 1841). Bien qu’il eût écrit à Pékin dépêches sur dépêches pour annoncer la défaite des rebelles, Yhshan fut obligé de capituler. Voici enfin un rapport assez modeste; il n’est pas sans intérêt de voir comment un général chinois s’y prend pour avouer qu’il n’a point triomphé de tous ses ennemis : « Nos décharges d’artillerie se succédaient sans interruption; mais il était impossible de repousser tous les navires des barbares. L’ennemi finit par débarquer : il attaqua les forteresses situées au nord de la ville, et il lança tant de boulets et d’obus, qu’une foule de soldats et d’officiers furent tués ou blessés. Les habitans encombraient les rues, criant, se lamentant, nous suppliant de les sauver. À cette vue, le cœur me manqua. J’allai demander aux barbares ce qu’ils voulaient. Ils me répondirent tous qu’ils n’avaient pas encore reçu l’indemnité pour l’opium saisi, dont la valeur s’élevait à plusieurs millions de taëls. Ils ne réclamaient que le paiement de cette somme; après quoi ils promettaient de se retirer au-delà du Bogue. J’insistai alors pour qu’ils nous rendissent Hong-kong; mais ils dirent que cette île leur avait été régulièrement cédée par Kichen, et qu’ils pouvaient en fournir la preuve écrite. Considérant que Canton courait le plus grand danger et que tout, autour de moi, n’était plus que confusion et misère, j’accédai provisoirement à leur requête... Cependant je me mettrai plus tard en mesure de reprendre Hong-kong. En ce moment, il me reste à vous supplier de me punir, ainsi que mes collègues, pour les fautes dont nous nous sommes rendus coupables, et je vous conjure en tremblant, au nom du peuple tout entier, d’approuver les conditions de la paix. »
Lorsque les Anglais s’en furent allés (avec 6 millions de dollars, prix de la rançon), Yhshan changea immédiatement de style. Il envoya à Pékin la tête d’un soldat anglais en la présentant comme celle de l’amiral sir Gordon Bremer. Un tel cadeau devait plaire à l’empereur. « J’ai reçu, dit Tao-kwang, une dépêche de Yhshan annonçant que les barbares, après avoir attaqué la ville, ont été deux fois repoussés. Notre courage a réduit l’ennemi à la dernière extrémité. Les susdits barbares ont demandé humblement que l’on implorât en leur faveur la grâce impériale. Votre sagesse a pensé qu’il ne fallait point leur refuser la faculté de faire le commerce; mais en même temps vous auriez dû leur ordonner de gagner immédiatement la pleine mer... Que les forts soient remis en état de défense... Si les Anglais montrent la moindre velléité de rébellion, vous les taillerez en pièces avec votre armée. » Peu de temps après cette expédition sur le Chou-kiang, l’escadre anglaise fut assaillie par un affreux typhon. Tao-kwang, apprenant par les récits de ses mandarins que la mer était couverte de cadavres, exprima sa satisfaction et ordonna que l’on brûlât dans les pagodes de Canton vingt bâtons d’encens; il fit accomplir la