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premiers bégaiemens jusqu’à sa corruption, depuis Florence jusqu’à Bologne. Il ne croit pas, Dieu merci, que Raphaël soit un païen ; aussi, tout en s’efforçant d’atteindre à l’expression fervente des fresques de Saint-Marc, il n’oublie jamais que les fresques du Vatican doivent être consultées à toute heure, comme l’idéal de la beauté. Ce que je dis n’est point une conjecture capricieuse qui doive s’écrouler sous les premiers argumens d’une discussion sérieuse. Il suffit, pour vérifier ce que j’affirme, d’étudier une à une toutes les têtes de la Cène. Ferveur d’expression, beauté des contours, harmonie des lignes, tout révèle chez M. Périn l’intelligence complète de son art et la connaissance approfondie de tous les, monumens que le passé nous a légués. Il est fâcheux que M. Lebas n’ait pas éclairé plus généreusement la porte de la sacristie.

Les sujets traités dans la coupole, dans les pendentifs et dans les pieds-droits sont destinés à développer la pensée de l’Eucharistie. Chacune de ces trois séries mérite un examen spécial. Le soin scrupuleux avec lequel sont rendues toutes les parties de ces diverses compositions tantôt profondes, tantôt ingénieuses, commande le respect à ceux mêmes qui ne partagent pas les idées de l’auteur. Commençons par la coupole. M. Périn a choisi pour thème cinq lignes d’une prose chantée par l’église le jour de la fête du Saint-Sacrement, prose écrite par saint Thomas d’Aquin. On sait que ces hymnes, qui n’ont rien à démêler avec les lois de la versification, sont écrites en latin rimé. « La chair du Christ est l’aliment, son sang est le breuvage. Les bons et les méchans reçoivent le Christ avec un sort différent, de vie ou de mort. Le Christ est la mort pour les méchans, la vie pour les bons. » Dans l’arc placé au-dessus de l’autel, le Christ sort du tombeau. Vainqueur de la mort, il donne la vie et le ciel à qui suivra ses traces. Les anges descendent, présentant l’eucharistie sous les deux espèces. Il est impossible de méconnaître la majesté de cette composition. La figure du Sauveur, tout en rappelant le type du maître au milieu de ses disciples que nous avons admiré dans la Cène, a cependant quelque chose de plus solennel. En se dégageant des étreintes de la mort, il a pris une austérité qu’il n’avait pas dans le dernier banquet avec les apôtres. Les anges qui descendent du ciel expriment très bien la ferveur et l’humilité. Dans l’arc opposé au précédent, nous voyons le Christ sur son trône déchirant les sceaux du livre de vie. Messagers de sa colère contre les pécheurs, deux anges descendent avec la trompette et le feu de l’encensoir. Ici M. Périn emprunte à l’Apocalypse l’interprétation de la pensée tracée par saint Thomas d’Aquin. Ce troisième Christ n’est assurément ni moins beau ni moins imposant que les deux premiers. C’est le même type renouvelé, agrandi. Le Christ de la Cène exprime la mansuétude ; le Christ sortant du