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PROMENADE EN AMÉRIQUE.

trouve un plus grand nombre de rues d’un aspect tranquille et retiré, mais la ville n’a rien de sombre ni de puritain. La brique rouge des maisons est plus gaie que la brique noire de Londres. L’entourage des portes et les marches par lesquelles on y arrive sont communément en granit. Très souvent les maisons font saillie par une sorte de demi-cylindre, ce qui rompt l’uniformité des façades. Les colonnes de grès rouge, les jalousies vertes et les cheminées blanches égaient le regard. Devant la plupart des maisons, on voit un peu de verdure, des arbustes et quelques fleurs. Cependant le vieux puritanisme n’est pas mort ; je lis dans le journal d’aujourd’hui que deux jeunes garçons ont été condamnés à l’amende pour avoir joué au bouchon le dimanche.

Dans la promenade publique, une affiche avertit que les infractions aux règlemens de police seront punies plus sévèrement le jour du Seigneur que les autres jours. Ceci me semble très caractéristique. Partout ailleurs, les délits que l’on peut commettre dans un jardin public, contre les gazons et les fleurs, sont punis uniquement pour empêcher qu’ils ne se multiplient : ici, ils sont envisagés au point de vue de leur criminalité morale. Il est naturel alors que cette criminalité soit plus grande les dimanches, et que, par suite, les punitions soient plus fortes.

Cette promenade est très agréable. C’est un parc planté sur un terrain incliné ; vers le milieu est une petite élévation d’où l’on voit la mer. Un jet d’eau énorme s’élève du milieu d’un bassin en forme de croissant. Cette pièce d’eau est le reste d’un petit lac caché autrefois dans l’épaisseur de la forêt primitive, dont a fait partie un vieil orme qui existe encore, et qu’on entretient religieusement. C’est un bel arbre que l’orme américain, avec son tronc blanc jusqu’à une certaine hauteur, son feuillage élégant qui retombe et qui rappelle à la fois le chêne et le bouleau. Michaux l’appelle le plus magnifique végétal de la zone tempérée. Dans la promenade publique de Boston, on bat des tapis, comme dans celle de New-York oh séchait du linge. Le peuple est chez lui, il fait son ménage. L’autre extrémité de Boston a un caractère tout différent : c’est le quartier commercial. Là est le mouvement, l’activité : c’est la ville des États-Unis à côté de la ville anglaise.

Après tout ce qu’on a écrit sur le sans-gêne des habitudes américaines, j’ai été surpris qu’un policeman m’ait invité à éteindre mon cigare. À Boston, il n’est pas permis de fumer dans la rue. C’était, il faut bien le reconnaître, le Français qui était le barbare.

Quoi qu’on en dise, il y a des souvenirs en Amérique, au moins l’on n’y oublie pas la lutte pour l’indépendance. En 1840, une colonne a été élevée sur l’une des hauteurs de Boston, avec cette