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la partie de leur correspondance qui avait rapport aux questions territoriales. Le gouverneur-général et quatre conseillers associés à son administration étaient nommés pour cinq ans par l’acte même qui les instituait. La première place fut donnée à Warren Hastings, simple agent de la compagnie, placé par elle à la tête de la présidence du Bengale, et lord North fit entrer dans son conseil Philip Francis, qui peut-être vendit à ce prix le silence de Junius.

Cette administration n’avait pas marché paisiblement. Bientôt ses divisions intérieures et la conduite de son chef firent souhaiter aux ministres le rappel de Hastings; mais il ne pouvait être révoqué que sur une demande de la cour des directeurs qui représentaient la compagnie. Celle-ci soutenait son agent, et quand on vit approcher la rupture avec la France, on ne put regretter d’avoir laissé la garde de l’Inde à un homme habile et entreprenant, dont l’esprit plein de ressources n’était entravé dans ses hardies combinaisons, ni par la faiblesse du caractère, ni par la sévérité de la conscience. Cependant, vers la fin de la guerre d’Amérique, la chambre des communes, dont l’attention était éveillée par les plaintes du parti opposé au gouverneur-général, avait formé pour l’examen de ces affaires deux comités : l’un sous la conduite de Henry Dundas, l’autre de Burke, et ce dernier s’était plongé dans ce nouveau travail avec son ardeur accoutumée. Déjà souvent l’Inde l’avait occupé dans le parlement. Jamais elle n’était l’objet d’un débat sans qu’il prît la parole. Sa curiosité infatigable eut bientôt pénétré jusqu’au fond de ce grand sujet. Sa vive imagination se familiarisa avec les lieux, les faits, les hommes; sa haine pour l’iniquité et la violence prit feu contre un despotisme qui ne devait qu’à la distance son impunité. Il savait et jugeait l’histoire de l’Inde anglaise comme un historien sensible et sévère; la justice même se passionnait dans cette âme ardente. Des rapports émanés du comité qu’il dirigeait, le neuvième et le onzième, passent pour être de lui, et ils sont insérés dans ses œuvres. Ces deux pièces ont tout le mérite du genre, l’ordre, la clarté, la solidité, et l’on y peut apercevoir les premiers fondemens de l’accusation célèbre dont il mit tant d’années à élever de ses mains le formidable édifice.

Entre le pouvoir immense par le fait du gouvernement établi au Bengale et le pouvoir de surveillance du ministère et du parlement, l’indépendance d’une compagnie à demi souveraine formait un milieu opaque et résistant, qui rendait tout contrôle illusoire. Aidé des conseils de Burke, encouragé par lord North, qui dans son premier ministère avait été sur le point de réduire la compagnie des Indes à ses attributions commerciales. Fox, à la fin de 1783, proposa un bill qui supprimait la cour des directeurs de la compagnie, et