Le plus grand promoteur de cette préférence a été le célèbre Bakewell, un homme de génie dans son genre, qui a fait autant pour la richesse de son pays que ses contemporains Arkwright et Watt. Avant lui, les moutons anglais n’étaient mûrs pour la boucherie qu’à l’âge où sont abattus encore aujourd’hui les nôtres, c’est-à-dire vers quatre ou cinq ans. Il pensa fort justement que s’il était possible de porter les moutons à leur complet développement avant cet âge, de les rendre, par exemple, propres à être abattus à deux ans, on doublerait par ce seul fait le produit des troupeaux. Avec cette persévérance qui caractérise sa nation, il poursuivit, dans sa ferme de Dishley-Grange, en Leicestershire, la réalisation de cette idée, et il finit, après bien des années d’efforts et de sacrifices, par en venir à bout.
La race obtenue ainsi par Bakewell porte le nom de nouveaux Leicester, du nom du comté, ou de Dishley, du nom de la ferme où elle a pris naissance. Cette race extraordinaire, sans rivale dans le monde pour sa précocité, fournit des animaux qui peuvent s’engraisser dès l’âge d’un an, et qui, dans tous les cas, ont acquis tout leur volume avant l’expiration de leur seconde année. À cette qualité, précieuse entre toutes, ils joignent une perfection de formes qui les rend, à volume égal, plus charnus et plus lourds qu’aucune race connue. Ils donnent en moyenne 50 kilogrammes de viande nette, et il n’est pas rare d’en trouver qui vont beaucoup au-delà.
Le procédé que Bakewell l’suivi pour obtenir un si merveilleux résultat est connu de tous les éleveurs sous le nom de selection. Il consiste à choisir, parmi les individus d’une race, ceux qui présentent au plus haut degré les qualités qu’on veut perpétuer, et à s’en servir uniquement comme reproducteurs. Au bout d’un certain nombre de générations, en suivant toujours la même méthode, les caractères qu’on a recherchés chez tous les reproducteurs mâles et femelles deviennent permanens, et la race est constituée. Ce procédé est extrêmement simple ; mais ce qui l’est moins, c’est le choix même des qualités qu’il faut s’attacher à-reproduire, afin d’arriver au meilleur résultat. Beaucoup d’éleveurs s’y trompent, et travaillent dans un sens contraire à leur propre dessein.
Avant Bakewell, les fermiers des riches plaines du Leicester, dans l’intention de produire le plus de viande possible, recherchaient avant tout dans leurs moutons une grande taille. L’un des mérites de l’illustre fermier de Dishley-Grange fut de comprendre qu’il y avait de plus sûrs moyens d’augmenter le rendement pour la boucherie, et que la précocité de l’engraissement d’une part, la rondeur des formes de l’autre, valaient mieux, pour atteindre le but, que le développement excessif de la charpente osseuse. Les nouveaux Leicester ne sont pas plus grands que ceux qu’ils ont remplacés, mais l’éleveur