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révolution française, ont été contemporaines du réveil agricole de son pays natal. La même inspiration qui a produit les chansons bucoliques de Burns a créé cette charmante race laitière d’Ayr, dont les formes gracieuses, le pelage bariolé, l’humeur paisible, les larges mamelles, le fait abondant et crémeux, réalisent l’idéal de la vie pastorale. Une bonne vache de cette espèce peut donner plus de 4,000 litres de fait par an; elles en donnent en moyenne 3,000, et on les rencontre partout, soit en Écosse, soit en Angleterre.

Toutes les autres races anglaises sont plus ou moins laitières ; on peut dire qu’une vache qui n’a pas de fait est une exception dans ce pays. L’Irlande elle-même possède deux races de vaches laitières : l’une petite et rustique, tout à fait analogue à notre race bretonne et originaire des montagnes sauvages du Kerry; l’autre, grande et forte, qui s’est développée dans les riches pâturages des bords du Shannon.

La consommation du lait, sous toutes les formes, a pris chez les Anglais un développement énorme; leurs habitudes sont anciennes sous ce rapport ; il y a bien longtemps que César disait des Bretons : lacte et carne vivunt. Ils n’ont pas, comme une grande partie des Français, l’usage de préparer leurs alimens à la graisse ou à l’huile; le beurre leur sert pour toutes les préparations culinaires, le fromage figure à tous leurs repas. Les quantités de beurre et de fromage qui se fabriquent d’un bout à l’autre des îles britanniques passent toute idée. Le comté de Chester produit à lui seul pour un million sterling ou 25 millions de fromage par an. Non contens de ce que produisent leurs laiteries, ils font encore venir beaucoup de beurre ou de fromage de l’étranger, et cette circonstance, qui montre jusqu’à quel point est poussé le goût national, explique pourquoi le prix moyen du fait est plus élevé chez eux qu’en t’rance. Quand nos producteurs obtiennent en moyenne 10 centimes par litre de lait, les producteurs anglais en obtiennent 20.

En somme, on peut évaluer la production en fait des vaches anglaises à 3 milliards de litres, dont 1 milliard environ sert à la nourriture des veaux et 2 à la nourriture de l’homme ; c’est une moyenne d’environ 1,000 litres par tête de vache. La production de la France est tout au plus de 2 milliards de litres à raison de 500 litres par tête, dont la moitié au moins est absorbée par les veaux.

Ainsi, quand les producteurs français n’ont à vendre pour la consommation humaine qu’un milliard de litres, les producteurs anglais en vendent deux, et comme ils obtiennent de leur lait, par leur industrie, un prix double de celui qu’en obtiennent les nôtres, il s’ensuit que le produit des laiteries doit être quatre fois plus élevé en