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du soleil à de grandes distances, donné des lumières sur la constitution des espaces célestes, et enfin, suivant les idées timidement mais obstinément présentées par l’illustre inventeur des locomotives, M. Séguin, de l’Institut de France, elles nous promettent des notions sur cet amas de petits corps, de matière chaotique, suivant l’expression de Chladni, qui circule autour du soleil dans la région zodiacale concurremment avec les grosses planètes, et qui nous donne les météores appelés étoiles filantes d’une part, et de l’autre ces redoutables bolides ou globes solides qui s’engagent parfois dans notre atmosphère, s’y échauffent et y font explosion en canonnant la terre, sur toute leur direction, de leurs éclats pierreux. Ces pierres tombées du ciel, comme on les appelle ordinairement, ont plusieurs fois tué des hommes et incendié des habitations. — Pour prendre ces malfaisans visiteurs des espaces célestes sous un point de vue moins sérieux, espérons qu’avec le progrès des sciences et la diffusion des connaissances astronomiques, les romanciers et les auteurs dramatiques trouveront dans les bolides de nouveaux moyens de punir le crime triomphant et de relever la vertu appauvrie et souffrante. Une masse de fer comme celle que Pallas observa en Sibérie viendra des espaces célestes écraser le pervers opulent, et un lingot d’or non moins immense tombera dans la triste retraite du juste indigent.

L’année 1852 a vu commencer la publication des beaux travaux ordonnés par l’empereur de Russie pour la détermination de la figure de la terre. Ces travaux sont dus à M. Struve : La géodésie, car c’est ainsi qu’on désigne la mesure de la terre et la détermination de sa figure, est vraiment une science française par l’initiative de notre nation. Écoutons l’astronome royal d’Angleterre, M. Airy, homme aussi élevé moralement au-dessus des injustes vanités nationales reprochées à sa nation qu’il l’est scientifiquement par ses beaux travaux de théorie et d’observation. M. Airy s’exprime ainsi : « On lit dans l’Histoire de la Civilisation, par M. Guizot, que la France a été le grand pionnier de la science ; que, généralement parlant, la civilisation est originaire de France. Je pense qu’en matière de science, il en est ainsi que l’affirme M. Guizot. Quand la question de la figure de la terre vint à être débattue, deux expéditions célèbres s’effectuèrent sous les auspices du gouvernement français. Ce furent les deux premières grandes expéditions inscrites dans l’histoire du monde. L’une fut envoyée en Laponie, près du pôle ; l’autre le fut au Pérou, sous l’équateur, — et jamais expéditions ne se rendirent plus justement célèbres que ces deux-là. » On était alors presque au milieu du xviiie siècle. Au commencement de celui-ci, les travaux faits en France ont continué la gloire nationale et illustré les noms de MM. Delambre, Méchain, Biot et Arago. L’Angleterre, dans son territoire restreint, a mesuré très exactement sa portion de surface terrestre dans les deux sens , et notamment de l’est à l’ouest, par le beau travail de M. Airy, dont je viens de citer le nom, mais, dans ses immenses possessions de l’Inde, l’Angleterre a fait mesurer un arc de même étendue que l’arc de France. Celui de Russie pose une de ses extrémités au cap Nord, et l’autre sur la Mer Noire. Enfin les États-Unis, en ce moment même, mesurent la terre sur leur vaste territoire. Les travaux, confiés à la direction de M. Bache, l’arrière-petit-fils de Franklin, sont dignes d’un peuple qui a tout un continent pour territoire, et dont la population, au-