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apportait une douce fraîcheur des sommets nuageux du Klobath, et répandait sur la ville tous les parfums qui dorment pendant le jour au sein de la forêt. Notre surprise et notre ravissement s’augmentèrent sans doute de la sensation de bien-être que nous apportait cette heure tiède et sereine. Nous n’avions cru trouver dans Menado qu’un chétif village de Malais : nous retrouvions encore une fois les chemins de Ternate et d’Amboine, non plus alignés, il est vrai, comme les rues d’une ville, mais capricieusement contournés comme les allées d’un parc. Après quinze ou vingt minutes de marche, nous arrivâmes à l’entrée du parterre qui précédait l’habitation du résident. Ce modeste palais, au fond duquel veillait la flamme vacillante des bougies enfermées dans leurs globes de verre, était soutenu par de frêles colonnettes et couronné d’un toit de chaume qui s’avançait au-dessus d’une longue galerie aérienne. C’était moins un kiosque oriental qu’un chalet transporté par un coup de baguette des campagnes de la Suisse sous le ciel des tropiques. Dominée par le front sourcilleux du Klobath au lieu de l’être par les cimes neigeuses des Alpes, entourée de manguiers et de rimas aux vastes ombres au lieu d’être cachée sous un noir rideau de sapins, cette architecture pittoresque ne semblait pas déplacée sous les feux de l’équateur. Elle offrait un abri non moins sûr contre les ardeurs dévorantes du soleil que contre les intempéries des hivers.

Nous arrivions à Menado chargés d’une sorte de mission agricole. Peu de temps après la révolution de février, l’attention du ministre de l’agriculture et du commerce avait été appelée sur une espèce particulière de riz de montagne dont l’acclimatement pouvait être tenté, disait-on, avec quelque espoir de succès dans le midi de la France. Le signalement de ce riz, connu à Sumatra et à Célèbes, ajoutait la circulaire officielle, sous le nom de riz noir, — noir en effet, — nous avait été envoyé par M. le ministre de la marine avec l’invitation de lui en adresser le plus tôt possible des semences. Nous n’avions toutefois emporté de Macao qu’un faible espoir de répondre aux désirs du ministre. Les personnes que nous avions interrogées, et dont quelques-unes avaient longtemps habité les îles de la Malaisie, connaissaient je ne sais combien de qualités différentes de riz arrosé ou de riz de montagne : du riz blanc, du riz gris, voire du riz rouge; aucune d’elles n’avait entendu parler de riz noir. Par un heureux hasard, le gouverneur espagnol de Samboangan, auquel je faisais part un jour de mes perplexités, se souvint d’avoir entrevu ce riz fabuleux, dont le nom n’était déjà plus accueilli que par un sourire d’incrédulité à bord de la Bayonnaise. Les Negritos de Mindanao cultivaient le riz noir dans les gorges de leurs montagnes, et nous parvînmes, après bien des recherches, à nous en procurer quelques livres. Nous étions munis de ce précieux échantillon quand nous