Soulou. Il suffit d’un coup d’œil pour reconnaître qu’ils n’appartiennent pas à la dernière invasion qui, vers le milieu du XVe siècle, vint occuper les côtes de l’archipel d’Asie. J’hésiterais à croire cependant qu’il fallût chercher aux Harfours de Menado et à la race malaise une origine distincte. Ces tribus dispersées ont subi l’influence de climats divers et de dogmes différens ; mais elles ont fait partie de la même famille humaine. Les Harfours de Menado, retranchés au centre de montagnes inaccessibles, n’ont été ni conquis ni fanatisés par les prêtres arabes. Ils composent encore la population la plus douce et la plus respectueuse de l’archipel, la plus aveuglément soumise aux chefs dont le résident hollandais confirme chaque année le pouvoir. La plupart de ces chefs indigènes ont embrassé le christianisme et semblent avoir perdu jusqu’aux dernières traditions de la vie sauvage. Le kappoula-balak que nous honorions de notre visite était vêtu, comme les chrétiens d’Amboine, d’un pantalon de couleur foncée et d’un habit noir. Sans la face osseuse et brune qu’encadrait la haute bordure d’un col de percale, nous n’eussions jamais reconnu dans ce vénérable gentleman le chef d’une tribu indienne : j’aurais plutôt cru voir une apparition du vicaire de Wakefield. La maison même dans laquelle nous fûmes introduits avait quelque chose de la modeste élégance d’un presbytère. Un ameublement simple, mais de bon goût, une table couverte des mille superfluités du luxe européen, voilà ce que nous trouvâmes sous le toit de cet homme, dont les ancêtres, au lieu de nous réserver un semblable accueil, n’auraient probablement songé qu’à se faire un sanglant trophée de nos dépouilles.
Ce ne fut qu’après le déjeuner que nous pûmes expliquer au kappoula-balak le but de notre visite. Le fonctionnaire indien, enchanté de pouvoir donner des leçons à son tour, fit immédiatement apporter devant nous divers instrumens aratoires, le peda benkok, couteau recourbé avec lequel on abat les arbres, le patjol, espèce de houe qui sert à défoncer la terre, et voici ce que nous écrivîmes presque sous sa dictée. — Quand un terrain a été choisi pour y cultiver le riz de montagne, on commence par abattre à la hache tous les arbres qui le couvrent. Il suffit de quinze jours de soleil pour dessécher ces arbres abattus. On y met le feu, et quand tous les troncs, toutes les branches ont été consumés, à l’aide de la pioche on défonce le sol pour y mêler les cendres. On brûle alors une dernière fois les herbes et les racines qui ont résisté à un premier incendie; on aplanit le terrain et on se dispose à l’ensemencer. Pour mieux assurer leur subsistance, les indigènes font en général marcher de front la culture du riz et celle du maïs. Le défrichement et la préparation du sol ont été achevés en septembre : au mois d’octobre, commencement de la saison pluvieuse, on sème le maïs. Des trous de quatre pouces de profondeur,