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qu’il nous reproche, car c’est nous prescrire une révolution après nous l’avoir interdite, et la violence de ses attaques ne sert qu’à mettre plus en relief la vanité de ses conseils.

Partant de cette idée sans base, qu’il fallait corriger les anciennes institutions par ces institutions mêmes, il entreprend l’examen de tout ce qui s’est fait. Il commence par la composition des états-généraux, où il blâme le doublement du tiers, surtout la réunion des trois ordres, et où il trouve trop de praticiens et trop de curés. De la composition de l’assemblée il passe à son esprit : c’est l’esprit d’égalité, qui, considéré d’une manière générale encore et dans ce qu’il a de philosophique, ne lui paraît bon qu’à construire la théorie révolutionnaire au service de la violence. Qu’il le combatte dans le docteur Price ou dans nos orateurs, cet esprit n’est à ses yeux que le provocateur et l’apologiste d’événemens tels que ceux des 5 et 6 octobre. On a souvent cité la peinture qu’il trace de ces funestes scènes et surtout un mouvement d’éloquente émotion, d’enthousiasme chevaleresque, à la pensée de cette reine infortunée qu’il avait admirée dans sa grandeur et dans sa beauté. Le passage est brillant en effet, et mérite tout le bien qu’en a dit M. de Chateaubriand.

Les crimes et les théories criminelles sont ensuite rapportées, comme à leur cause, à l’incrédule philosophie du siècle. Il la peint des plus sombres couleurs, et la juge avec plus de bon sens que de conséquence. Quand on a dit de la religion romaine ce qu’en disent les Anglais, on ne peut logiquement reprocher aux nations catholiques qu’une chose, c’est de n’être pas protestantes. Burke s’élève avec force contre la réunion des biens du clergé au domaine de l’état; mais il oublie de nous apprendre de quel droit l’église anglicane jouit des propriétés de l’église catholique. Il se demande ensuite quelle est l’autorité établie par une révolution qui a commencé par l’insurrection et la confiscation. Il lui paraît que c’est la pure démocratie, dont il explique la venue et les fautes par une peinture assez vraie des différentes classes de la société française; mais il n’échappe pas à la difficulté fort grande de défendre l’ancien régime en condamnant la société qui en est sortie. Enfin il passe à l’établissement politique. La grande mesure de la nouvelle division du territoire et de cette hiérarchie d’autorités locales qui le couvre, la prépondérance excessive que cette organisation assure à la capitale, la constitution du pouvoir exécutif, celle du pouvoir judiciaire, celle de l’armée, le système enfin des finances et des assignats, tout est passé en revue avec une sévérité outrageante, et, quoique l’exagération du langage donne à l’ensemble une tournure déclamatoire, rien n’est superficiel, tout est solide, et demande examen ou réfutation. Encore aujourd’hui ceux